Carmina Burana : les murs ont tremblé

Si les murs pouvaient raconter, ils vous parleraient de la trépidation du public, de la précision du maestro, du crescendo des violons, de la soprano qui a touché notre âme et du tonnerre d’applaudissement qui en a résulté.

De nouveau présentée à la Maison Symphonique de Montréal, l’œuvre du compositeur Carl Orff, Carmina Burana, sous la direction du maestro Jacques Lacombe avec l’Orchestre Symphonique du Conservatoire, l’Orchestre de chambre | I Musici de Montréal, le Chœur du Conservatoire, le Chœur de l’École Joseph-François-Perrault et le Chœur des enfants de Montréal, a bouleversé le public samedi dernier.

Mais la vraie surprise de la soirée, et mon coup de cœur, fût Le Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky présenté en première partie. Dès les premières notes aigues du basson, un frisson nous traverse et nous réalisons que quelque chose de très spécial se prépare. Suivit peu après par le rythme saccadé des instruments à cordes, Le Sacre du Printemps fut critiqué pour son manque de raffinement en 1913, mais aujourd’hui nous pouvons reconnaître le caractère révolutionnaire de l’œuvre et en apprécier le dépouillement des habituelles fioritures. Les finales du premier tableau, Danse de la Terre, ainsi que le second, Danse Sacrale, sont explosives de percussions et d’une telle intensité que la salle a semblé vibrer durant de longues minutes.

Après un bref entracte, Jacques Lacombe a dirigé de mémoire, sans lutrin, Carmina Burana et l’expérience était grandiose. Il était possible d’apercevoir le maestro mimer sur ses lèvres les paroles, et sa passion et son amour de l’œuvre originale étaient palpables. La grande influence de Stravinsky se ressent dans l’œuvre maîtresse d’Orff et c’est pourquoi il n’est pas surprenant que la première partie du concert fût consacrée au compositeur russe. En dehors du chœur, l’orchestre était aussi accompagné de trois solistes : la soprano Aline Kutan, le ténor Antoine Bélanger et le baryton-basse Alexandre Sylvestre. La soprano a livré une performance exceptionnelle, tout en nuance, et a aisément volé la vedette à ses collègues. Ceux-ci se sont fait enterrer par l’orchestre et n’ont presque pas été entendus.

Le Chœur du Conservatoire, le Chœur de l’École Joseph-François-Perrault et le Chœur des enfants de Montréal méritent aussi une mention spéciale alors qu’ils ont dû chanter en latin médiéval, en moyen haut-allemand et en ancien français les poèmes de Carmina Burana. Ils ont fait un travail exceptionnel et ont rendu justice à O Fortuna, le poème le plus célèbre de l’œuvre.

Jacques Lacombe est le directeur musical et artistique de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse depuis septembre 2018. Il a auparavant occupé la fonction de directeur musical de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières de 2006 à 2010, de directeur musical du New Jersey Symphony Orchestra de 2010 à 2016 et de chef d’orchestre principal de l’Opéra de Bonn en Allemagne de 2016 à 2018. Il ne manque pas de talent et d’expérience et a déjà dirigé l’Orchestre Symphonique de Montréal à deux reprises pour Carmina Burana.

Le concert s’est terminé sur O Fortuna, et tous les artistes ont reçu une impressionnante ovation du public. Le maestro Jacques Lacombe a pris le temps de saluer le travail de chacun des musiciens et chanteurs, ainsi que celui des chefs de chorale : Léa Moisan-Perrier, Pascal Côté et Raymond Perrin. Il n’y avait presque plus personne dans son siège alors que les «bravo» et «hourra» fusaient de toutes parts.

C’est le cœur en peine ainsi que la paume de mes mains un peu sèche après tous ces applaudissements que je quitte la salle, et me promets de retourner voir Carmina Burana la prochaine fois que la cantate scénique sera performée à Montréal.

Crédits Photos : placedesarts.com

4.5

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