Charles Binamé nous introduit une Carmen que nous ne connaissions pas!

Hier, le 4 mai 2019, avait lieu à la Salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts, la première très attendue de l’opéra Carmen de Georges Bizet, dont la dernière production à Montréal remonte à il y a quinze ans. La mise en scène de Charles Binamé (Blanche, Un homme et son péché) mettait notamment en vedette Krista De Silva, Antoine Bélanger, Christopher Dunham et France Bellemare accompagnés par l’Orchestre Métropolitain sous la direction d’Alain Trudel; ce dernier a également réalisé les arrangements musicaux durant les dialogues adaptés par Charles Binamé, le Chœur de l’Opéra de Montréal et Les Petits Chanteurs du Mont-Royal. Les costumes étaient signés Dominique Guindon et il est à noter que tous les interprètes et artisans de cette production sont des canadiens français.

On se doit de le rappeler : c’était une première à l’Opéra de Montréal pour Charles Binamé, qui a troqué, le temps d’une soirée, les plateaux de tournages et l’arrière des caméras pour la scène. On peut dire que c’est mission accomplie… Il ne nous reste plus qu’à attendre la récidive.

Un court résumé : « Libre elle est née, libre elle mourra ». Envoûté par Carmen, le brigadier Don José se joint à sa bande de contrebandiers. Le rejet et la jalousie amèneront l’amoureux à commettre l’irréparable…

Dès que les musiciens ont entamé l’ouverture, on a pu sentir l’enthousiasme gagner la salle qui était à pleine capacité. L’apparition de Carmen marchant seule sur la scène et traînant un grand pan de tissu rouge derrière elle a également suscité l’émoi des spectateurs. Nous nous attendions à une représentation bien spéciale et c’est vraiment ce qui nous a été proposé.

Les décors, signés Olivier Landreville étaient superbes tout en étant sobres, complets, sans aucun détail superflu. Un lieu subsiste, en fait : la devanture de l’usine de cigarettes à Séville, qui est légèrement modifiée selon les besoins, par l’ajout d’accessoires, entre autres (Chez Lilas Pastia, la caverne des voleurs, l’entrée de l’arène) alors que les changements d’éclairages dirigés par Alain Lortie aident à maintenir l’illusion.

France Bellemarre, qui incarne Micaëla, est à son meilleur. Sa voix, sa personnalité… tout correspond à la calme, douce et amoureuse Micaëla, alors qu’Antoine Bélanger personnifie un parfait Don José, tant par sa voix que par son attitude. Quant à Krista De Silva, dans le rôle de Carmen, elle nous surprend par la candeur, la vulnérabilité qu’elle dégage, des qualités que nous ne sommes pas habitués à détecter chez son personnage. Une belle réussite de Binamé au niveau de la conception, ainsi que pour madame De Silva pour son interprétation, principalement lors de son arrestation, au cours de laquelle on peut en plus ressentir une certaine arrogance de sa part. Il est difficile de jouer à la fois l’arrogance, la vulnérabilité et la candeur, et c’est un tel personnage que le metteur-en-scène nous a fait découvrir. À la sortie du spectacle, j’ai entendu un spectateur passer une réflexion à l’effet que c’était bizarre, car il s’attendait à ce que Carmen « ait plus de chien », ce qui m’a confortée dans ma vision des choses. Pour ce qui est de Christopher Dunham, c’est le Escamillo par excellence de par sa voix et sa prestance.

Comme on pouvait s’y en attendre, les duos de Micaëla et Don José étaient très émouvants au sujet de sa mère et de l’amour que Micaëla lui porte et celui que Don José pense avoir pour elle; tandis que le leur était plus violent. On doit admettre que les sentiments ne sont pas les mêmes, car l’amour pour Carmen s’apparente davantage au désir, à une démonstration de sa sensualité. L’arrivée du toréador au deuxième acte, quant à elle, est toujours impressionnante. Et que dire de La fleur que tu m’avais jetée…. Il faut dire que chacun des airs les plus populaires et les plus connus ont chaudement été applaudis dès les premières notes.

On ne peut passer sous silence les deux scènes d’escrime que Jean-François Gagnon a bien su diriger pour qu’elles paraissent d’une aisance naturelle.

Et quelle scène finale, tellement poignante! OUF!… et la ré-apparition du pan de tissu rouge, comme partie du décor…

Carmen est un spectacle qui nous fait vivre un tas d’émotions, certaines auxquelles on ne s’attendait pas, et d’autres que nous reconnaissions, mais avec une intensité plus profonde, une performance fortement acclamée par la foule à la tombée du rideau.

L’opéra sera présenté les 7, 9, 11 et 13 mai, mais chacune de ces dates affiche « Complet ». Nous indiquons toutefois le lien, au cas où… Bonne chance! Cliquez ici pour vous informer!

Crédits Photos : Yves Renaud