Entretien avec le chef d’orchestre Boris Brott

À partir de ce samedi 2 mai, Le Brott Music Festival offrira tous les samedis soirs dès 19h30 sur la page Facebook du festival un spectacle virtuel en direct d’une durée de 45 minutes. Pour l’occasion, nous avons communiqué avec le Chef de l’Orchestre Classique de Montréal ainsi que le directeur et fondateur du Brott Music Festival, Boris Brott, afin qu’il nous parle davantage de ce projet et de sa créativité en temps de confinement.

Quel a été votre processus de création pour pouvoir organiser cet événement dans les circonstances actuelles ?

L’idée m’est venue de Taras Kullish, le Directeur général de l’Orchestre Classique de Montréal. L’OCM est en train de faire ses propres concerts sur le web les mardis soirs. J’ai décidé que nous présenterions un mix des différents styles de concerts que nous programmons dans notre festival d’été. Vous allez trouver tous les genres de la musique classique en passant par le rock et tout ce qu’il y a entre. Des solistes internationalement acclamés comme Adrianna Pieczonka et Phillip Addis feront partie de la programmation. 

La musique classique est souvent perçue comme un art beaucoup trop sérieux et carré. Pensez-vous que d’offrir des spectacles en ligne avec interaction est une façon de briser la glace ?

Et bien, c’est une question d’opinion. La musique classique fait partie de nous depuis plus de 400 ans, et c’est fascinant pour moi de voir qu’il y a plus de téléchargements de musique classique que de rock. Je crois très fort que présenter 45 minutes de concerts interactifs avec commentaires est une manière d’innover parce que les gens peuvent commenter en temps réel, c’est vivant et informel de voir les artistes dans le confort de leur salon se rendre jusqu’au nôtre. Les concerts seront disponibles sur notre page Facebook, donc vous pourrez revoir les choses que vous avez manquées ou les revoir au complet.

Le fait de pouvoir commenter ou poser des questions aux artistes entre les numéros est aussi original. C’est amusant et dans le moment présent. C’est gratuit, mais nous espérons que les gens vont faire des dons pour nous aider à survivre. Nous avons également constaté que nous attirons beaucoup plus de supporters que jamais! Quand les restrictions vont prendre fin, ceux qui ont maintenu et augmenté leurs audience verront leur popularité augmenter aussi.

Écouter de la musique dans nos têtes, sur enregistrement ou en direct nourrit notre âme

L’annulation des spectacles et festivals jusqu’en août a été un gros coup pour la culture québécoise. Pourtant, avec la technologie, on dirait qu’elle n’a jamais pris autant de place dans notre quotidien. Qu’est-ce que ce confinement va apporter à la musique selon vous ?

Je crois que l’humanité a besoin de musique, c’est une communion entre le cœur et l’esprit. Les scientifiques disent que la musique produit des endorphines qui libèrent nos inhibitions et qui nous permettent d’exprimer nos émotions, de nous faire pleurer, rire et danser. Spécialement dans ces temps de distanciation sociale, la musique peut nous aider à maintenir notre stabilité émotionnelle. Ces concerts ouvriront une opportunité pour les auditeurs et spectateurs de vivre une intimité qui dépasse celle qu’on a lorsqu’on est assis dans un théâtre. Je suis fasciné que les artistes affluent sur le web et communiquent globalement par le biais d’outils technologiques qu’on commence à peine à apprivoiser.

Qu’est-ce que les circonstances actuelles ont apporté à votre créativité ?

Je suis bien sûr attristé de ne pas pouvoir performer pour les gens dans une salle de concert comme je le fais depuis plus d’un demi-siècle. Je voyage constamment dans des pays éloignés et, grâce à l’internet, je continue d’être partout en même temps tout en étant chez moi! Je dois dire que ça m’a motivé à être plus créatif dans ma manière de maintenir le contact avec les orchestres et les artistes. Je suis enclin de trouver une manière pour nous de jouer ensemble en temps réel à partir de différentes locations. Beaucoup de gens travaillent là-dessus, et une percée sera possible maintenant. Ce challenge donne une opportunité aux éditeurs de vidéo d’être créatifs et d’assembler des symphonies qui sont interprétées par des musiciens à différents endroits et les rejoindre virtuellement. Tout défi dans la vie ouvre des opportunités.

La Covid-19 a créé un gros impact sur la réalité des personnes âgées. On montre, sans le vouloir, qu’elles sont devenues un danger pour la société, qu’elles soient en santé ou non. De votre côté, vous dirigez un orchestre ainsi qu’un grand festival. Vous êtes extrêmement actif. Quelle image voulez-vous transmettre aujourd’hui aux personnes de plus de 60 ans qui sont quelque peu malmenées ?

Je pense que la musique classique a toujours attiré des humains en général plus matures parce qu’elle requiert du temps pour la contemplation. Le confinement me donne du temps qui me rend plus que jamais jeune et créatif. La musique me garde jeune. En fait, les actuaires en assurances disent que les chefs d’orchestre vivent plus longtemps. Pourquoi ça ? Parce qu’on reste actif en bougeant les mains plusieurs fois par jour et pendant plusieurs heures. Écouter de la musique dans nos têtes, sur enregistrement ou en direct nourrit notre âme!