Kitchen Chicken : le festin de l’Orchestre d’hommes-orchestres!

La troupe de L’orchestre d’hommes-orchestres présentait, du 16 au 18 octobre à l’Usine C, son tout nouveau projet appelé Kitchen Chicken. Le collectif formé de six artistes interdisciplinaires (quatre hommes et deux femmes) nous a concocté un spectacle composé de yodel et de cuisine, rien de moins! En s’inspirant du répertoire des sœurs DeZurik (mieux connues sous le nom de Cackle Sisters), cette bande s’est donné comme défi de nous faire littéralement cuire un poulet  à la sauce théâtrale et musicale! Pour ce qui est du spectacle, il était bien à point! Pour le poulet? Demandez à ceux qui étaient dans la salle. 😉

Une pincée de théâtre accompagnée d’un coulis de yodel

Le spectacle touche globalement à tellement de disciplines artistiques à la fois qu’il devient complexe de définir la nature de la présentation. En d’autres termes, on a affaire à un mélange homogène de theâtre d’objets, de musique yodel et de performances culinaires. Si vous vous demandez combien de temps dure le spectacle, la réponse est simple: le temps que le poulet soit cuit! Hormis le copieux repas préparé sous nos yeux, le fil conducteur reste d’abord et avant tout la musique des Cackle Sisters. En effet, le jeu avec les objets ainsi que la mise en scène restent à la base secondaire ; c’est avant tout la musique qui garde le spectateur captivé. Si l’on retire la musique, il nous reste qu’une belle bande de cinglés qui cuisine sur scène.
La pièce s’éloigne en tous points de ce qu’on a l’habitude de voir au théâtre. Les membres de L’orchestre d’hommes orchestres sont des habitués lorsqu’il s’agit de déconstruire la dramaturgie. Si vous cherchez un sens profond à ce genre de projet, vous risquez probablement de chercher longtemps. La troupe nous offre plutôt une performance théâtrale faisant abstraction des codes d’écriture conventionnels. Étonnamment, la pièce n’a aucun dialogue ni même aucun récit en soi. Cela ne veut pas dire que le spectacle est impertinent pour autant, bien au contraire! On fait face, en tant que spectateur, à un foisonnant exercice de style sans limite qui va même jusqu’à briser le quatrième mur. L’avantage de ce genre de spectacle est qu’il peut aussi bien être présenté dans une salle de théâtre conventionnelle que dans un bar ou un cabaret. L’aspect le plus intéressant du spectacle reste sans l’ombre d’un doute le clivage entre l’époque d’où proviennent les morceaux et la forme ultra-moderne de cette création qui dépouille et rejette les codes dramatiques.

La magie de la création collective

D’ailleurs, concernant la forme, c’est là que le spectacle offre tout son charme. La troupe a créé un succulent cocktail musical en imbriquant divers instruments, en passant par la guitare jusqu’aux vieux instruments d’antan. De façon ingénieuse, elle a également intégré à la musique divers objets tels que couteaux, bols et autres articles de cuisine. Les acteurs ont même eu l’idée de chanter avec de l’hélium en plus de nous servir un solo de poulet, tapant dessus au rythme des cordes et des percussions. Tant qu’à popoter, aussi bien le faire en s’amusant!
Les comédiens ont aussi eu l’idée d’ajouter des éléments de musique électronique qui génère un contraste déconcertant et efficace au matériel de base. Qui aurait cru entendre des chanteuses faire du yodel sur un fond de house music?! Il ne faut surtout pas passer sous silence la façon dont les artistes s’y sont pris afin de meubler l’action. Ils sont parvenus à habiter le temps de cuisson d’un simple poulet par diverses méthodes aussi farfelues les unes que les autres. À titre d’exemple, on peut voir, durant le spectacle, une partie de baseball avec des patates, une pêche aux colliers de perles dans un aquarium ou encore une toile peinte au Cheez Whiz. Cela est sans compter les nombreux services car, oui, certains spectateurs chanceux ont eu le droit à quelques petits plats préparés sur le vif. En tout cas,  ce n’est pas Molière qui aurait joué les chefs sur scène!
Ceci dit, avec tous les arômes présents dans la salle, beaucoup ont dû avoir envie de se faire une bonne bouffe à la fin de la soirée! Il faut préciser que la troupe n’a aucun metteur en scène, il s’agit d’une création collective comme il s’en faisait dans les années soixante-dix. L’avantage de cette façon de créer est que le résultat est moins calibré, certes, mais il est grandement plus organique et infini, car mieux vaut six têtes qu’une seule. Les comédiens peuvent aussi s’en permettre davantage. Comme de fait, la mise en scène, n’étant pas aussi figée et fixée au quart de tour, le spectacle, de façon générale, diffère de représentation en représentation. De cette façon, même si vous assistez à la pièce à plusieurs reprises, aucune séance ne sera pareille. La troupe travaille de façon constante et peut ajouter ou retirer des éléments à sa guise sans gêne.
En somme, si vous cherchez à vous dépayser un brin avec un spectacle relevé, Kitchen Chicken est fait pour vous! Comme mentionné plus haut, ne cherchez pas trop le sens profond de ce spectacle et embarquez dans le délire!