Zaza d’abord!

Zaza d’abord!, c’est l’histoire d’Octave Chanteclair (Roger Léger), baryton d’opéra de calibre international dont l’ambition écrasante l’amène difficilement à considérer les besoins de sa fille, affectueusement surnommée Zaza (Marie-Ève Trudel) qui, pour sa part, n’en peut plus de suivre son père partout à l’étranger en tant que sa répétitrice. Zaza rêve d’une  »petite vie », de rencontrer des gens de son âge et d’avoir du  »fun ». Théo (Joachim Tanguay), le concierge qui entretient la grande maison de Westmont pendant les escapades du couple père-fille à l’étranger, apparait à Zaza comme la représentation parfaite de ce désir, et Théo en pince également pour Zaza.

Bien sûr, l’histoire s’arrêterait ici si tout était simple, mais voilà que la venue d’Igor Toutaoff (Stéphane Breton), un grand Maestro russe qui pourrait permettre à Octave d’accomplir son rêve de carrière à Moscou, vient compliquer les choses. Igor, prêt à tout pour obtenir ce qu’il désire – et ce qu’il désire, c’est Zaza – fait de l’ombre à Théo, qui, lui, heureusement, fait l’improbable rencontre d’un génie (Josée Deschênes) pour l’aider à obtenir le cœur de sa belle. Et lorsqu’il y a un génie, invisible aux yeux de tous sauf de son maitre Théo, tout peut arriver… et arrive!

​Le texte Zaza d’abord! de Sophie Clément et Marcel Leboeuf a eu droit à un lifting de jeunesse avant de reparaitre dans un cadre moderne, positionné en 2018 à Montréal. Malgré quelques petites ridules qu’un lifting ne peut jamais vraiment cacher, le texte est bien rodé et saura plaire aux amateurs de jeux de mots, de burlesque et de quiproquo de vaudeville. Bien sûr, l’apparition d’un génie – surtout d’un génie invisible aux yeux de la majorité des personnages – met la table pour des situations abracadabrantes et délirantes qui ne tardent pas à nous faire bidonner.

Et ce génie, quel génie! Josée Deschênes nous fait la proposition d’un génie – loin de Jinny ou du génie d’Aladin – québéco-oriental énergique et surprenant. Les autres comédiens sont presque éclipsés par les couleurs du personnage excentrique interprété par l’actrice. Malgré cela, nous ne sommes pas sans remarquer le travail de voix que l’acteur Roger Léger a dû faire pour chausser le rôle d’Octave Chanteclair, baryton de calibre international. De pousser des notes d’opéra et d’enchainer une chanson et une autre dans des styles complètement différents sans pouvoir reprendre son souffle jusqu’en dansant et se tortillant au rythme des musiques, le comédien a relevé des défis de taille. D’ailleurs, la salle comblée par les prestations réussies du comédien, a applaudi ses efforts à deux reprises pendant la représentation.

Le jeu des comédiens est appuyé merveilleusement par le côté technique de la pièce qui est immanquablement un point fort du projet. D’une qualité rarement inégalée au théâtre d’été, le décor magnifique recrée à la perfection le salon d’une maison raffinée et épurée dans lequel trône en roi un piano à queue. Chaque élément est bien utilisé et exploité, ce qui ravit. Les costumes sont également recherchés et splendides. L’apparition du génie avec son gigantesque turban impressionne. À cet égard, cette pièce de costume était si belle qu’il aurait été agréable d’en voir une plus grande utilisation; une fois enlevé, il reste tristement accroché sur le mur faisant office de décoration et meurt dans l’oubli.

La musique et les effets de lumière rendent crédibles l’incrédible et appuient efficacement les comédiens dans leurs moments de possession par le génie. Il se passe tant de choses dans cette pièce qu’il est difficile de la décrire brièvement, mais il est impossible de conclure sans parler du combat d’épée qui marque la finale. Le combat d’épée modernisé, qui fait penser astucieusement à un combat de boxe, est bien chorégraphié et exécuté, et ne représente qu’un seul des nombreux éléments de la mise en place et de la mise en scène de Michel-Maxime Legault qui rend l’ensemble joyeusement absurde et cohérent.

Bref, Zaza d’abord! est un divertissement burlesque intéressant, divertissant, haut en couleurs et en rebondissements qui fait rire et sourire. Présentée dans le lieu enchanteur du Théâtre des Cascades au croisement du fleuve et de la Rivière  des Outaouais, la pièce jouée jusqu’au 15 Août prochain vaut bien le détour.

Crédits Photos : Rugicomm