Abominable : trop mignon le yéti!

Nous sommes dans une cage. Une alarme stridente retentit. Notre cage s’ouvre. Nous repoussons la porte grâce à une de nos énormes pattes blanches. Des gardes nous poursuivent. Notre cœur battant fort dans notre poitrine et la peur au ventre, nous réussissons de justesse à nous enfuir.

La scène d’introduction d’Abominable, présenté du point de vue du yéti, n’est pas sans rappeler certains jeux vidéo, et rend immédiatement attachant celui-ci en ayant recours à notre compassion et le présentant comme une victime.

La prémisse est simple, mais efficace. Un adorable yéti aux pouvoirs mystiques liés à la musique rencontre une jeune violoniste, Yi, qui vient de perdre son père, et, ensemble, ils découvriront l’amitié, le courage et l’importance de la famille, alors qu’elle et ses amis l’accompagneront jusqu’au sommet du mont Everest pour qu’il retrouve ses parents.

Malgré des images d’une grande beauté et une histoire touchante qui saura faire résonner les cordes sensibles de votre cœur, Abominable manque cruellement d’originalité et ses personnages simplistes vous ferons grincer les dents de frustration.

Le studio DreamWorks, qui a produit des films tels que How to train your dragon (2010) et Kung Fu Panda (2008), s’associe à Pearl Studio pour nous transporter en Chine pour son nouveau long-métrage d’animation, Abominable. Le film est coréalisé par Jill Culton, qui a travaillé sur des films tels que Monsters, Inc. (2001), A Bug’s Life (1998) et Toy Story (1995), et Todd Wilderman, Open Season 2 (2008). Jill Culton réalise ici son second long-métrage après Open Season (2006), un film sans grande originalité qui a vite été oublié par le public.

Les premières minutes sont prometteuses, quoique prévisibles et débordantes de clichés. Yi, une jeune adolescente débrouillarde, évite sa famille composée de sa mère et sa grand-mère depuis le décès de son père et s’éclipse à toutes heures du jour pour travailler ou encore se réfugier sur le toit et jouer du violon. Évidemment, l’instrument appartenait à son père, et si elle occupe plusieurs emplois, c’est pour économiser de l’argent pour réaliser le rêve de celui-ci et voyager à travers la Chine.

Une nuit, alors qu’elle se trouve sur le toit pour jouer du violon, elle découvre qu’un yéti s’y cache. Il est blessé et des gens sont à sa poursuite. Elle le surnomme Everest, lorsqu’elle découvre que celui-ci est originaire de cette région, et décide de l’aider à retrouver sa famille. Les événements s’enchaînent ensuite à toute vitesse, et deux garçons habitant le même immeuble que Yi l’accompagnent dans sa quête.

Et voici le moment où la situation se gâte un peu. Les personnages de Peng et Jin sont décrits comme des amis de Yi… mais le film ne se donne même pas la peine de les développer! Peng est représenté comme un garçon sans amis et désespéré d’avoir de l’attention, plus jeune que Yi et Jin. Ce dernier est son cousin et est montré comme un adolescent plus intéressé par son image sur les médias sociaux que par le monde réel. Ils ne sont pas vraiment des amis de Yi, et les raisons pour lesquelles ils l’accompagnent dans cette aventure ne sont jamais explorées. Tous les personnages sont bidimensionnels, excepté Yi et Everest, qui, avec ses grondements, démontre plus de personnalité que tous les autres.

Ensuite, le film manque cruellement d’un vrai vilain. M. Burnish, un puissant homme d’affaires à la recherche de l’abominable homme des neiges, est aussi dangereux qu’un bébé chiot, et tous les obstacles se dressant sur le chemin de Yi et de ses amis ne posent jamais de vrais dangers. Les pouvoirs illimités d’Everest leur sauvent la vie encore et encore avec une facilité plus que redondante.

Le design d’Everest a plus en commun avec celui de Toothless, How to train your dragon, qu’avec celui du yéti habituel. Son énorme bouche, son sourire plein de dents, ses grands yeux expressifs et son nez quasi inexistant ne sont que quelques-unes des caractéristiques qu’il partage avec le dragon. Everest a tout en commun avec une douce peluche que les enfants aimeront serrer dans leurs bras. Outre quelques grognements, il ne parle pas et s’exprime en fredonnant. C’est grâce à la musique qu’il fait appel à ses pouvoirs et c’est ici que le département artistique et celui des effets visuels nous en mettent plein la vue. Les collines tibétaines se transforment ici en mer de fleurs et les vagues transportent le petit groupe de voyageurs jusqu’à une forêt. Les nuages prennent des formes de carpe koï et les enfants les chevauchent dans le ciel. Un pissenlit prend de l’expansion, jusqu’à devenir si gros qu’il leur permet de s’envoler. Il n’y a aucune limite à l’imagination ici, et c’est la plus grande force du film. La seule, en fait.

Abominable est l’ébauche d’un film qui aurait pût être grand. Malheureusement, la production a préféré investir son temps et son argent à la production de produits dérivés, plutôt qu’à étoffer le scénario. Il est dommage qu’Abominable ne soit pas motivé par un désir sincère de représenter la culture chinoise, sa musique, ses paysages et ses habitants, mais plutôt par les chiffres du box-office.

Le court-métrage de Pixar, Bao (2018), gagnant d’un oscar, est encore aujourd’hui discuté pour sa complexité et sa représentation de la culture chinoise. Ce ne sera pas le cas pour Abominable. Le film sera vite oublié par le public. Tout ce dont on se souviendra, c’est de cet adorable yéti qui pouvait s’envoler dans le ciel.

Avec les voix anglaises de Chloe Bennet (Yi), Tenzing Norgay Trainor (Jin), Albert Tsai (Peng), Eddie Izzard (Burnish), Sarah Paulson (Dr. Zara), Tsai Chin (Nai Nai), Michelle Wong (Mère de Yi) et Joseph Izzo (Everest).

Abominable est à l’affiche dans les cinémas du Québec depuis le 27 septembre.

Crédits Photos : DreamWorks

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