Les crevettes pailletées : décortiquer l’homosexualité avec une folie sérieuse

Forte de son succès commercial et critique en France, la comédie Les crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare débarque au Québec quelques jours avant le début des festivités entourant Fierté MTL. Une stratégie de promotion parfaite car le film dénoue brillamment l’homophobie avec un scénario certes fréquemment prévisible mais aussi  grâce à un sincère respect et à un rafraichissant sens de l’autodérision de son sujet.

Champion olympique en natation qui redouble d’efforts pour éclipser la retraite, Matthias Le Goff (Nicolas Gob) détruit toutes ses tentatives de rester au sommet lorsqu’il émet des propos homophobes pendant une entrevue  diffusée en direct. Afin de racheter son erreur et changer l’opinion publique, la fédération à laquelle il appartient le force à entrainer Les Crevettes Pailletées, une équipe de water-polo qualifiée pour participer aux Gay Games, la plus grande compétition sportive homosexuelle qui aura lieu en Croatie.  Les réalités complexes des joueurs auront tôt fait de fondre lentement sa réticence et ses préjugés.

L’arc narratif de Matthias Le Goff emprunte une trajectoire commune, allant de l’ignorance à l’acceptation à grands coups d’insultes grinçantes et de réactions gonflées de mauvaise foi. Cette facilité peut irriter les spectateurs, mais le jeu nuancé de Nicolas Gob permet d’entrevoir la vulnérabilité et la peur rongeant le personnage, ce qui fait que sa quête demeure captivante. Les revirements dramatiques que vivent certains rôles de soutien subissent également un traitement plutôt convenu, mais l’émotion réussit à se faufiler un chemin et piétiner au passage quelques clichés.

Les crevettes pailletées dépeint les membres de l’équipe comme de grandes folles qui ne pensent qu’à faire la fête et provoquer les  homophobes imbéciles qui les intimident. Cela peut paraître grotesque et peu original, mais il n’y a pas une once de préjugé dans les scènes se déroulant dans des bars ou pendant des flamboyants numéros de karaoké. Ça respire l’authenticité et la liberté. Cet éloge à la différence qui quémande de voir bien plus loin que la simple tolérance ne se démarque par un bouleversant script truffé de surprises ou des plans avant-gardistes, mais plutôt avec un intéressant éventail  varié de personnages qui illustrent plusieurs situations qui surviennent autant chez les gens hétérosexuels qu’issus de la communauté LGBTQ+.

Les problèmes de santé cachés du chef de l’équipe, Jean (Alban Lenoir), lui ont fait mettre un terme à sa passionnante histoire d’amour avec Alex (David Baiot) qui éprouve beaucoup de mal à s’en remettre. De son côté, Cédric (Michael Abiteboul), bien que amoureux de son mari, a de la difficulté à assumer ses responsabilités en tant que papa de deux jeunes garçons, ce qui le pousse à mentir constamment. Perçu comme le rabat-joie qui n’aime rien, Joël (Roland Menou) ne se reconnait plus dans cette nouvelle génération de gays qui n’a pas autant besoin de se battre pour revendiquer ses droits. Rejeté par sa famille conservatrice, le timide mais ô combien sympathique Vincent (Félix Martinez) explore maladroitement son homosexualité. Quant à Fred (Romain Brau), il expérimente au quotidien les hauts et les bas de son opération de réattribution sexuelle. L’homoparentalité, la transsexualité, l’homophobie entre homosexuels et l’exclusion se mêlent donc efficacement pour broder un portait juste et tendre de la réalité arc-en-ciel contemporaine.

Cédric Le Gallo s’est inspiré de ses propres expériences vécues dans une équipe de water-polo pour accoucher de cette histoire. Cela se ressent dans les répliques jubilatoires et les délicieuses vannes qui, aux yeux d’alliés peuvent sembler scandaleuses, exubérantes et de mauvais goût, mais qui, à travers le regard des gens de la communauté, représentent avec humour et exactitude leur dynamique.  À travers des séquences aquatiques qui donnent envie de s’initier au water-polo, la distribution développe une amitié extraordinaire dans ses imperfections. Alban Lenoir, qui a des allures de Romain Duris, tire particulièrement son épingle du jeu avec son charme sobre et naturel.

Donc, sans être remarquablement original, Les Crevettes pailletées s’avère être un feel good movie moderne, divertissant et magnifiquement interprété. On excusera alors assez facilement et rapidement les moments sirupeux car les sentiments authentiques finissent invariablement par remporter. 

Crédits Photos : Les Films Opale

3.5