De tendres berceuses adultes pour déjouer l’ennui

Huitième album de chansons originales mais surtout le troisième en autant d’années, Pour déjouer l’ennui permet à  Pierre Lapointe de connecter sincèrement et simplement avec ses fans de la première heure. À la fin août 2019, l’annonce du lancement public totalement gratuit de cet opus au Club Soda a, sans grande surprise, crée un tel émoi que tous les billets se sont envolés en un claquement de doigt. Le jour J a finalement eu lieu hier soir. Les murmures puissants d’avant-concert ont rapidement fait place à un silence paisible et attentif, les spectateurs sachant que ce dévoilement signifiait un moment privilégié avec un artiste qui n’a probablement jamais été aussi libre et naturel sur le plan créatif.

Entouré de Philippe Brault , Nicolas Basque, Vincent Legault, José Major et du réalisateur de l’album, Albin de la Simone, l’auteur-compositeur-interprète a offert l’intégral de Pour déjouer l’ennui, soit douze chansons courtes et mélodiquement épurées se voulant de tendres berceuses pour adultes tantôt joyeuses tantôt nostalgiques mais toujours porteuses d’espoir. Pas une once de nervosité se dégageait de celui qui animera le Premier Gala de l’ADISQ mercredi prochain (23 octobre) ; il émanait plutôt de lui une reconnaissance touchante. À travers un concert d’une fluidité remarquable , Pierre Lapointe a été en tous points fidèle à lui-même : pince-sans-rire, sarcastique, souriant, bref magnétique.

Conscient de sa chance , le chanteur a profité de la tribune qui lui était offerte pour présenter fièrement et en douceur son nouvel effort. Concis, il a expliqué avec juste ce qu’il faut d’humour accrocheur les coulisses de la création des pièces et la naissance des collaborations avec des artistes qu’il admire, de Clara Luciani à Félix Dyotte en passant par son doyen Daniel Bélanger. Les anecdotes croustillantes impliquant les frères Chiasson (Hubert Lenoir et Julien Chiasson) dans une chambre d’hôtel et les vannes sympathiques entre Lapointe et de la Simone sur Le monarque des Indes , fragment délicieux et sans morale d’une jolie  idylle homosexuelle , contrebalançaient parfaitement la mélancolie et les déchirures amoureuses poignantes retrouvées notamment sur Un cœur qui saigne et Vivre ma peine.

Bien qu’il aborde des thèmes délicats comme les amours troubles, la solitude et les faux-semblants, Pour déjouer l’ennui enchaîne les caresses pour l’âme en dénudant ses propos de tous artifices lourds. La pierre angulaire de cet album conçu en grande partie en août 2017 juste avant La science du cœur (lauréat du Félix de l’album adulte contemporain en 2018) est d’ailleurs une magnifique pièce jetant un regard rêveur et positif sur l’amour, La plus belle des maisons, tirée de l’album Paris Tristesse et de la tournée entourant le disque PUNKT. Pierre a délaissé la version piano-voix de cette création pour lui donner l’âme qu’elle doit véritablement posséder. Le résultat est réjouissant et envoûtant. Ceci dit, le piano n’est définitivement pas en reste avec les excellentes Je connais le chemin et Vendredi 13 qui happent par leurs harmonies aussi classiques que modernes.

Qualifié lui-même par son créateur dominant comme un disque doux qui le répare, Pour déjouer l’ennui et son atmosphère chaleureuse ont submergé la foule à l’intérieur d’une grosse vague d’amour difficile à oublier. Aussi mémorable que le rappel, l’intemporelle Nos joies répétitives chantée à l’unisson. Dans cet hymne aux amitiés parfois futiles mais qui nous permettent de mieux survivre aux tempêtes, le chanteur rappelle justement que ces joies répétitives savent nous rassurer. Une métaphore forte et un ne peu plus représentative de cette irrésistible soirée.

Pour paraphraser le principal intéressé, cette délectable première écoute assistée (très ressemblante au résultat studio) pourra se prolonger dès ce vendredi 15 octobre. Une tournée à travers le Québec suivra dont un passage à l’Usine C de Montréal en février. Plus de détails seront officiellement disponibles sous peu. Pour en savoir plus sur les dessous de Pour déjouer l’ennui, ne manquez pas le compte rendu de notre entrevue avec Pierre Lapointe et Albin de la Simone ce vendredi!

Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média