Entrevue avec Pierre Lapointe et Albin de la Simone: la plus naturelle des douceurs

Le huitième album de chansons originales signé Pierre Lapointe, Pour déjouer l’ennui, est officiellement disponible depuis aujourd’hui dans tous les magasins et plateformes de téléchargement, mais il est prêt depuis 2017! Lors du lancement qui a eu lieu mardi dernier au Club Soda, nous avons eu la chance de discuter du processus créatif d’une rare fluidité qui entoure l’album en compagnie de l’auteur-compositeur-interprète et d’Albin de la Simone qui l’a réalisé.

Pierre, tu considères Albin de la Simone comme ton alter ego français. Comme vous avez des univers semblables, comment avez-vous collaboré pour sortir de votre zone de confort?

Pierre Lapointe : On n’est pas tant sorti de notre zone de confort!

Albin de la Simone : Pourquoi faudrait-il?!

Pierre: J’ai pris pour acquis que, travailler avec Albin, ça allait m’emmener sur des pistes où je n’étais encore jamais allé, et c’est ce qui est arrivé.

Albin : Mais des pistes qui sont très confortables!

Pierre : Même quand c’est inconfortable, je trouve ça confortable, dans le sens où ça fait partie du métier maintenant. On a travaillé avec des amis qu’on aime depuis toujours. On a fait 5 ou 6 jours de studio, mais c’était hyper cool comme atmosphère.

Albin : On allait manger le midi, on quittait le studio vers 19 heures.

Pierre : Je souhaite à tout le monde de travailler dans ce genre d’énergie-là! Sans s’en rendre compte, on a été beaucoup plus productifs. Ça a donné un objet qui, en plus d’être beau, cristallise notre amitié et des beaux souvenirs.

Pierre, tu as participé à l’écriture  de onze pièces sur douze, mais tu n’as pas composé toutes les mélodies. Lorsque tu chantes une chanson qui n’est pas composée par toi, as-tu l’impression de focuser davantage sur ton rôle d’interprète?

Pierre : C’est sûr que ça m’emmène dans des zones où je ne vais pas normalement. C’est pour cela que je ne pourrais pas produire autant en si peu de temps si je n’avais pas des collaborateurs autour de moi. En laissant des gens participer à mes projets, ça me fait avancer plus vite. Sur ce disque-là, je me sens plus comme un interprète parce qu’on s’est arrangé pour créer un contexte extrêmement doux et facile. Le but premier était de m’abandonner à quelque chose de très senti plutôt que cérébral comme avec l’album La science du coeur.

Albin : On n’était pas dans les affres de la création! Pierre dormait même dans le studio!

Pierre : Je dors toujours!

Albin: Par moments, on passait une heure à travailler une chanson, à chercher le petit truc qui manquait. On disait à Pierre de se reposer pendant ce temps-là, qu’il n’a pas à chanter chaque fois qu’on joue la chanson, et il s’endormait par terre derrière le canapé! On le réveillait puis on le mettait debout (rires)!

Pierre : Ils m’entendaient ronfler! Je tombe rapidement dans un sommeil très profond.

Albin : Ça veut dire que tu étais extrêmement détendu, que tu avais confiance. C’était quand même ton disque qui était en train de s’enregister quand tu dormais!

Pierre : Je travaille avec des gens qui ont une personnalité forte. Je les admire. J’ai un respect absolu pour ce qu’ils font. À partir du moment où je suis dans cette dynamique-là, je n’ai pas envie de leur dire quoi faire. Ça m’amuse! Je suis zéro dans une volonté de contrôle. Ça influence la générosité des gens sur mes projets. Les gens se donnent beaucoup plus parce qu’ils savent que je ne viendrai pas surveiller derrière eux. Ce serait la meilleure façon de tuer la créativité. Au final, ça va toujours rester ma chanson!

Sur cet album, tu empruntes la chanson Amour ou songe que tu as écrite pour David Marino, le candidat finaliste dans ton équipe à La Voix en 2015. Pourquoi sentais-tu que cette chanson avait également besoin de ta voix?

Pierre : Il m’a fait écrire une des très belles chansons que j’ai faite parce que, justement, je ne l’écrivais pas pour moi. Ça faisait longtemps que j’avais dans la tête de faire une chanson de style Disney des années 50, mais je ne trouvais pas le bon contexte. Quand j’ai travaillé avec lui, avec sa tête de jeune premier et sa voix impossible à imiter, je l’avais enfin! Quand j’ai travaillé sur Pour déjouer l’ennui, je me suis fait plaisir. Je ne pouvais pas ne pas la faire revivre autrement. Pour moi, ça aussi, c’est une collaboration! C’est pour cela que je prends la peine de le remercier dans le livret de l’album. Il n’y aurait jamais eu cette chanson si je n’avais pas rencontré David.

Albin : Je ne savais même pas que Amour ou songe avait déjà eu une autre vie!

On retrouve aussi dans l’album la pièce La plus belle des maisons qui est sur l’album Paris Tristesse, mais en version piano-voix. Qu’est-ce qui t’a donné envie de la reprendre pour Pour déjouer l’ennui?

Pierre : Sur Paris Tristesse, je l’ai fait piano-voix alors qu’elle venait de naître. Pour moi, c’était une chanson tellement forte que je pensais qu’elle allait devenir un nom d’album plus tard. Je l’ai fait tellement de fois pendant la tournée PUNKT que, quand j’ai fais Paris Tristesse, j’ai décidé de la mettre sur l’album, mais je ne pensais pas que Paris Tristesse allait marcher à ce point! Au final, l’album a répondu à un besoin très fort chez les gens auquel je ne m’attendais pas. Il y a beaucoup de gens qui m’ont découvert par cet album.

Donc, La plus belle des maisons a existé avant, mais, dans ma tête, elle avait l’enregistrement qu’elle a sur Pour déjouer l’ennui. Pendant la tournée de PUNKT, je la faisais avec mes musiciens autour qui faisaient des voix de marins. Ça a tellement été un élément déclencheur pour moi que, quand j’ai décidé de faire un album de berceuses douces et rassurantes avec beaucoup de guitares, je me sentais obligé de la mette sur l’album. Dans mon cheminement, elle a un une signification très importante.

Justement, tu considères cet album comme un bouquet de berceuses pour petits devenus grands. Comment construit-on des berceuses pour adultes sans tomber dans les clichés de la berceuse traditionnelle?

Pierre : Déjà, à partir du moment où on traite et écrit à propos de thèmes comme ceux dont on parle dans l’album (ruptures, homosexualité…), ça ne s’adresse plus aux enfants, tout s’annule.

Albin : Le mot berceuse avait une connotation très large. Pour que ce soit considéré comme une berceuse, il faut juste qu’il n’y ait pas d’accident monstrueux au milieu comme une fanfare éclatante! Tout doit rester d’une humeur égale. S’il y a une cassure comme L’alphabet fait dans La science du cœur, le disque ne me berce plus!

Pierre : Là, il n’y a aucun accident! On est toujours dans le même genre de trucs, dans la même douceur.

La tournée Pour déjouer l’ennui s’arrêtera au Grand Théâtre de Québec du 17 au 20 février 2020 et à Montréal à l’Usine C les 25, 26 et 29 février 2020. Tous les détails ici!