Cinq ans après la parution de son quatrième album La maison du monde, Catherine Major propose une évolution audacieuse aussi surprenante que réconfortante avec son cinquième, Carte mère, qui est disponible partout en format numérique depuis aujourd’hui (15 mai).
Franchement réussi sur plusieurs niveaux, l’opus est coiffé d’un titre qui revêt deux principales significations. Il renvoie d’abord à la réalité de mère de l’autrice-compositrice-interprète qui a donné naissance à son quatrième enfant, Carmen, en juillet dernier. Thème dominant dans l’ensemble de la discographie de Catherine Major, la maternité est abordée d’une manière légèrement différente que dans les disques précédents. L’amour inconditionnel d’une mère, son épanouissement et les vertiges qui en découlent sont transposés dans un contexte davantage social que personnel, tout en ne dénaturalisant pas la tendre image maternelle que Catherine Major projette depuis des années.
La définition pure et dure de carte mère prend également une place considérable. Ce circuit de connecteurs permettant le bon fonctionnement d’un portable symbolise littéralement et habilement le défi de taille que s’est imposé la chanteuse en délaissant son piano classique pour un clavier d’ordinateur qui lui a ouvert des possibilités infinies d’ échantillonnages et de rythmiques.
Cette sortie de zone de confort avait de quoi rebuter les admirateurs de la première heure qui raffole de la touche classique de la chanteuse, mais Carte mère ne déçoit aucunement. Utilisé avec équilibre, pertinence et originalité, l’apport électronique souffle une belle modernité à l’univers de Catherine Major qui évolue magnifiquement d’album en album sans ne jamais perdre son unique essence ou en la répétant bêtement et paresseusement.
Se prêtant ici à l’exercice de la réalisation, l’interprète, appuyée par Antoine Gratton, accouche de fluides liens orchestraux entre les pièces qui subliment les arrangements »techno » tout en justifiant l’écoute intégrale de l’album, chose extrêmement rare de nos jours. Les pièces possèdent une signature distincte tout en s’emboîtant parfaitement. La participation de la Bratislava Symphony Orchestra sous la direction de David Hernando Rico pour les cordes accentuent brillamment les émotions bouleversantes véhiculées par les neuf textes composant l’album.
Carte mère est aussi le témoin d’une autre première fois. Compagnon de vie de Catherine et complice artistique de longue date, Jeff Moran signe toutes les paroles de Carte mère à l’exception du titre Tableau Glacé que la chanteuse a confectionné à la mémoire d’une chère amie qui a succombé à un virulent cancer. Cette pièce exprime avec brio le soulagement et la tristesse ressentis quand un être aimé peut accéder à une trêve méritée de la souffrance. Dans toutes les autres pièces, la plume singulière, brutale de Moran ainsi que son talent sidérant pour la musique des mots sont reconnaissables mais continue de surprendre. La voix feutrée de Catherine se glisse dans cette lumineuse poésie avec une aisance époustouflante. Ceci dit, Carte mère englobe aussi une facture un peu plus sombre qui s’explique par le choix des thèmes dont l’anxiété (La panique), le pouvoir religieux (Moi non plus), et une dépendance toxique, dans ce cas-ci l’alcoolisme, qui ne fait pourtant pas fuir l’être cher (La bouteille).
Ce n’est pas le trouble contexte actuel qui va empêcher de célébrer la sortie de l’album comme il se doit. Un lancement numérique aura lieu ce soir de 17h00 à 18h00 au coût de 10$. Accompagnée par deux danseurs, Catherine Major y interprétera quelques pièces du disque dans une formule piano-voix avant de répondre aux questions du public dans le cadre d’une entrevue animée par son amie et comédienne Marina Orsini. Des billets sont encore disponibles ici.
Chansons préférées :
- La bouteille
- La panique
- Moi non plus
- L’espace occupé
Crédits Photos : John Londono