Tout débute par une bande dessinée créée par le dessinateur Charles Addams et publiée en 1938 dans le magazine américain The New Yorker. Les personnages représentés sont lugubres, avec un humour franchement tordu. Ils n’ont pas encore de noms. Ce n’est que lors de la création du sitcom, qui sera diffusé de 1964 à 1966 sur la chaîne ABC, que leur créateur les affuble enfin de noms. Les parents, Morticia et Gomez Addams, leurs progénitures, Mercredi et Pugsley, l’oncle Fétide, le majordome Max et La Chose.
La Famille Addams (1991) et Les valeurs de la famille Addams (1993) sont réalisés par Barry Sonnenfeld. Il s’agissait alors de sa première expérience en tant que réalisateur. Auparavant, il était directeur de la photographie et caméraman. Il a depuis travaillé sur des films tels que la trilogie Hommes en noir et Les mystères de l’Ouest (1999) ainsi que la série Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire (2017-2019) sur Netflix.
Soixante-dix ans sont passés depuis leur création, et la famille Addams est toujours aussi populaire. Il y a eu des séries télévisées, des films, des produits dérivés tels que des machines à boule, des jeux vidéo…et récemment une comédie musicale sur Broadway ! Qu’est-ce qui les rend si spéciaux ? Deux films ont contribué à leur grand succès et, presque trente ans plus tard, nous revisitons ces classiques de notre enfance.
Une histoire originale et fascinante
Les scénaristes, Caroline Thompson et Larry Wilson, signent le premier opus de cette dilogie. Ils ont tous les deux travaillé avec le réalisateur Tim Burton pour les films Bételgeuse (1988), Edward aux mains d’argent (1990) et La mariée cadavérique (2005). L’univers de Charles Addams prend de l’expansion et une réunion de famille nous permet de rencontrer des trolls, bossus, le cousin Machin et les sœurs siamoises, Fauna et Flora.
La prémisse du premier film est très efficace : La famille Addams organise une énième séance de spiritisme en l’honneur de Fétide Addams, qui a disparu il y a vingt-cinq ans. À la surprise de tous, celui-ci réapparaît en compagnie d’une étrange psychiatre, Dre Pinder-Schloss. Gomez soupçonne que Fétide est un usurpateur et non son grand frère disparu, car il ne se souvient de rien et se comporte comme un étranger.
Ce qui est parfait pour introduire cette sinistre famille au public, qui n’a probablement jamais écouté la série et ses dérivés. Comme Fétide, nous découvrons, avec de grands yeux ébahis, les enfants Addams qui s’amusent à créer des accidents de voiture en retirant la signalisation, la grand-mère qui prépare des entrailles pour dîner, les passages secrets plus dangereux les uns que les autres, le roman très venteux de Margaret Mitchell, ou encore Morticia qui coupe la tête des roses dans sa serre… Tout est nouveau. Tout est détraqué. C’est la folie chez les Addams et on adore ça !
Le deuxième opus est basé sur un scénario de Paul Rudnick. On le connaît pour les comédies Rock’n nonne (1992), Le pot aux roses (1997) et Les femmes de Stepford (2004). Ce second film est plus impliqué politiquement et le titre s’inspire même des fameuses «valeurs familiales» des républicains. Gomez et Morticia ont eu un bébé, celui-ci porte même la moustache comme son père, et lorsque Mercredi et Pugsley tentent de le tuer… oui, vous avez bien lu, cette fois la famille Addams passe à la vitesse supérieure et devient encore plus choquante lorsque que Mercredi jette le bébé en bas du toit ou tente de le décapiter avec une guillotine. Les parents décident alors d’engager une gouvernante, Debbie Jellinsky, et Fétide tombe éperdument amoureux d’elle. Ils se marient et les choses se corsent, car celle-ci est en fait une meurtrière et elle a assassiné ses deux derniers maris.
Pendant ce temps, Mercredi et Pugsley sont envoyés au camp Chippewa. Celui-ci est uniquement composé d’enfants blancs, issus de milieux aisés, et tous ceux qui sortent de l’ordinaire sont exclus du groupe et envoyés dans une cabane au milieu des bois où ils doivent écouter des comédies musicales toute la journée. Mercredi fait semblant d’adhérer à leurs valeurs et mets le feu aux poudres lors d’un spectacle. Il s’agit d’une pièce créée par les deux animateurs et propriétaires du camp, Gary Granger et sa femme Becky Martin-Granger, censée rendre honneur à la fête de l’Action de grâce. Mercredi, accompagnée de son groupe de parias, dénonce les sévices infligés aux peuples autochtones et tente de tuer quelques enfants au passage. Elle est une Addams, après tout.
L’univers de ces films est fascinant et souvent horrifiant. Un des personnages principaux est une main, qui n’est pas rattachée à un corps, et communique par signe avec la famille. Le cousin Machin ressemble à une motte de cheveux sur pattes. Il n’y a aucune limite avec les Addams, et c’est ce qu’on adore chez eux. Ils sont politiquement incorrects et tout à fait charmants.
Une distribution éblouissante
En passant par la superbe Anjelica Huston (Les sorcières, À tout jamais, John Wick 3), qui incarne Morticia, ou encore le charismatique Raul Julia (Le baiser de la femme-araignée, Le bagarreur de rue) dans le rôle de Gomez, tous les acteurs sont parfaits. On croirait que les rôles ont été créés pour eux. Le couple Addams incarne la passion, la folie et la dévotion avec brio. Il partage une chimie que l’on voit rarement à l’écran.
Christina Ricci (Casper, Sleepy Hollow, Monstre), qui n’était alors âgé que de onze ans, incarne Mercredi, une jeune fille aux allures funestes qui ne sourit jamais et ne se gêne pas pour dire aux jeunes scouts de son âge leurs quatre vérités. Elle est vêtue d’une robe noire avec un col Claudine qui accentue son côté macabre. Un de ses passe-temps favoris : électrocuter son frère. La jeune actrice est excellente et il n’est pas surprenant qu’on lui ait donné un plus grand rôle dans le second film.
L’inimitable Christopher Lloyd (Retour vers le futur, Clue) incarne, quant à lui, l’oncle Fétide. Il est méconnaissable dans le rôle. Chauve, obèse, l’air un peu coincé, il enchaîne les grimaces et les pitreries. Raul Julia et lui font toute une équipe.
Les costumes et les décors macabres
Ici, la direction artistique, coiffure et maquillage, décor et costume, fait des merveilles avec le manoir des Addams et ses habitants. La bâtisse est d’apparence délabrée en extérieur, avec un portail qui ne laisse pas entrer n’importe qui. À l’intérieur, les toiles d’araignées, les meubles gothiques, les murs aux tons foncés, les chandeliers lugubres et les objets hétéroclites d’apparence menaçante font de ce manoir une véritable maison des horreurs.
Du côté du maquillage, tous les acteurs, particulièrement Huston et Lloyd, ont le teint très pâle, presque maladif, du crayon noir accentue leurs cernes et l’angle de leurs visages. Morticia en met plein la vue avec ses robes plus belles les unes que les autres tout droit sortis d’un bal costumé. Celles-ci mettent en valeur sa silhouette filiforme et minimalisent le mouvement de ses jambes, ce qui lui donne une apparence éthérique, surnaturelle. Gomez est, quant à lui, accoutré de costumes trois-pièces issus des années 30, l’époque où son personnage a été créé. Le souci du détail, que ce soit pour la cuisine des horreurs où la grand-mère prépare ses petits plats ou encore pour le bureau de travail de Gomez où des duels ont lieu, est remarquable et donne vraiment l’impression que ce manoir et la famille Addams existent.
La musique de Vic Mizzy et Marc Shaiman
Que ce soit lorsque Gomez danse la Mamushka avec son frère Fétide ou encore lorsqu’il valse avec Morticia, la trame sonore des films accentue la singularité de l’univers et accompagne avec brio l’action à l’écran. La Famille Addams commence par les premières notes du thème de la série diffusée en 1964 et créée par le compositeur Vic Mizzy. Notes de basses et claquements de doigts, les fans du sitcom seront ravis. Marc Shaiman y apporte une touche personnelle en y entrelaçant un chant de Noël. L’effet est brillant, la joyeuseté de l’un crée un merveilleux contraste avec le lugubre de l’autre.
Un sens de l’humour décadent
Dans la même veine que Bételgeuse (1988), La Famille Addams dépeint un univers sombre et fantasmagorique où l’humour se mêle à merveille à la morbidité. Les jeux meurtriers de Mercredi et Pugsley sont tournés à la blague, alors que l’un tente de tuer l’autre et ainsi de suite. Les parents aident même parfois. Tout ce qui est considéré comme moralement mal devient bien. Pusgley retire un panneau de signalisation, ce qui provoque un accident de voiture, et ses parents le félicitent. C’est horrible et pourtant si drôle. Gomez attrape son plus jeune fils par la fenêtre alors que sa fille vient de le jeter en bas du toit. Pas de quoi angoisser. Aucun reproche. Il s’agit d’un jeu.
L’amour avec un grand « A »
«Cara mia», murmure Gomez en embrassant passionnément le bras de sa femme. «Mio caro» lui répond celle-ci. La passion dévorante des parents Addams est souvent sujette à la blague dans ces films. Ils ne peuvent pas arrêter de s’embrasser, alors qu’ils sont devant le juge Womack à la cour municipale ou encore lorsque Morticia est torturée par Tully, le comptable des Addams.
L’amour qui les unit est visible aux yeux de tous, alors qu’ils valsent ou dansent le tango. On les jalouse et souhaite tous ardemment connaître une telle passion. Ce qui pousse justement Fétide à chercher l’amour dans le second film. Gomez et Morticia représentent le couple parfait. Ils ne se disputent jamais et soutiennent l’autre dans les moments difficiles.
Un bel exemple est lorsque Gomez devient dépressif après la trahison de Fétide dans le premier film et qu’ils sont forcés de tous vivre dans une chambre de motel. C’est Morticia qui va chercher du travail, alors que son mari passe toute la journée en caleçon à regarder des talk-shows. Par la suite, c’est Gomez qui portera secours à sa femme lorsqu’elle est torturée par Tully.
Il y a aussi beaucoup d’amour entre les parents et leurs enfants. Ils encouragent Mercredi et Pugsley dans leurs passions, que ce soit une pièce de théâtre sanglante ou encore une séance d’électrocution. On voit même toute la famille partir à la chasse aux ossements dans leur cimetière. Malgré le côté comique de ces scènes, on ne peut pas contester que les Addams sont d’excellents parents.
Toujours aussi populaire aujourd’hui
Pour toutes ses raisons, La Famille Addams occupe encore une place très spéciale dans notre cœur et c’est avec nostalgie que l’on peut maintenant se délecter de ces deux films en Blu-ray. Le coffret est disponible au Québec depuis le 1er octobre avec la version française et anglaise. Une première depuis la version VHS de notre enfance !
De plus, une nouvelle adaptation des personnages créés par Charles Addams prendra l’affiche dans une version animée le 11 octobre prochain.
Crédits Photos : Internet Movie Database