Pif-Luisant

Pif-Luisant – Aux sources de Cyrano

Pif-Luisant donne un air de printemps au Théâtre du Rideau Vert avec une pétillante création québécoise. C’est l’occasion de revenir aux sources d’un monument littéraire du XIXe siècle : Cyrano de Bergerac.

Sur scène, Edmond Rostand fuit Paris pour se réfugier à la campagne. Dans sa maison familiale, il rumine son énième échec artistique. Refusant d’être un simple avocat, il s’entête à écrire et à parler en alexandrins. Son père a beau tenter de le raisonner, Edmond reste un éternel rêveur, épris de lyrisme. Et en trouvant son nouveau modèle historique, le poète s’identifie peu à peu à son sujet.

Le titre Pif-Luisant est ainsi non seulement un clin d’œil au célèbre Cyrano, mais aussi le surnom du jeune Rostand affublé d’une bosse au nez. Cette particularité devient alors un trait d’union entre l’auteur et son héros.

C’est là le cœur de la pièce. Par une subtile mise en abîme, Edmond fait place à Cyrano. Il a la même aisance à manier le verbe avec un sens de la répartie redoutable. Et comme lui, il est emporté dans un irrésistible triangle amoureux.

Une affaire de nez

Avec son faux-nez, Olivier Morin offre une prestation toute en finesse. Tour à tour drôle et touchant, son Edmond est une attachante figure romantique. Il incarne avec brio cet amoureux pudique qui peine à se dévoiler. Il forme un étrange duo avec Jean-François Pronovost (Christian), l’amant fougueux en mal de mots. Quant à la douce Élodie Grenier (Marie-Anne), elle est à la fois la muse et l’objet de tous les fantasmes. C’est sans compter les personnages secondaires qui apportent une touche de légèreté vaudevillesque.

La pièce est aussi truffée de références à l’œuvre de Rostand. On y retrouve les moments-clés de Cyrano, transposés dans différents contextes. La tirade du Nez est ainsi détournée en salve de critiques sur La Samaritaine. Elle est déclamée avec le même mordant et variation de tons. Quant à la fameuse scène du balcon, elle prend la forme d’une coupure de courant où, dans l’obscurité, Edmond prête sa voix à Christian.

La force de Pif-Luisant

La vraie force de Pif-Luisant demeure le texte de Gabriel Sabourin. Il est savoureux, foisonnant et explore toute la richesse du français. Son rythme prend même des allures de partition musicale. Et que dire des alexandrins qui colorent certaines répliques du personnage principal ? Il fallait avoir le talent pour les écrire et savoir bien les doser. Or, cela s’insère habilement dans cette pièce en costumes. Notons au passage le choix écoresponsable de la production. Le spectacle utilise des éléments de décors et accessoires provenant de sept productions ayant eu lieu au Théâtre du Rideau vert.

Pour cette comédie dramatique, Stéphane Brulotte a opté pour une mise en scène assez classique. Une mécanique dont on reconnaît les codes avec notamment son lot de quiproquos. Sans renouveler le genre, cela ne laisse aucun temps mort à cette production de 90 minutes. Pif-Luisant est une pièce accessible, à voir, et surtout à entendre, qui plaira assurément au grand public.