C’est ce samedi que l’OSM présentait le « concert éclaté », L’ère du swing, à la Maison Symphonique de la Place-des-Arts de Montréal et, d’entrée de jeu, je vous dirai que le déplacement n’en valait malheureusement pas la peine.
Quoique dirigé par nul autre que le renommé Maestro Kent Nagano, qui, nous devons le dire, est d’une prestance remarquable et d’une aisance impressionnante dans sa direction d’un orchestre; un Pierre Lapointe chic et talentueux de tout son être; la participation de la magnifique Catherine Major, et malgré que le descriptif de la soirée faisait miroiter « un bouillonnement de musique, de chansons et de danse », l’assistance eut droit à une performance interminablement longue, mal ficelée et dont les changements de pièces étaient laborieux à tout coup. À se demander si nous n’assistions pas, en réalité, à la générale de la soirée.
Crédits photo : ©Antoine Saito
Commençons cependant par le commencement : à l’accueil de la salle, de jolies demoiselles costumées de magnifiques robes et de paillettes scintillantes nous conviaient, portant leur plus beau sourire, au cours de Swing qui allait se dérouler à la fin du spectacle. Jusque là, tout était invitant et promettait une belle soirée à tout bon amateur de la musique et de la danse de cette époque.
La salle entière bourdonnait d’intrigue durant les quelques minutes qui nous séparaient des premières notes des musiciens, puis, les lumières se sont graduellement tamisées sous les coups d’archets. Un applaudissement docile laissa rapidement toute la place à un public attentif, silencieux, tout ouïe.
L’OSM entama, en guise d’ouverture, Die Dreigroschenoper de Kurt Weill, une première pièce ironiquement douce pour un concert se voulant « éclatable ». Oui, car, dès le départ, nous nous attendions à « swinger » sur notre siège, mais il n’en fut rien. Normal, nous sommes-nous dit, c’est l’introduction, l’entrée en matière. Les musiciens se firent aller le talent pour mettre la table, installer la soirée, tranquillement, habilement, avec retenue… Personne ne se doutait, ceci dit, que cette installation durerait 1h30 et que le concert ne prendrait réellement son envol qu’à 22h30, à deux pièces de la fin!
Crédits photo : ©Antoine Saito
Pierre Lapointe fit ensuite son entrée sur scène sous les chaleureux encouragements de la foule pour une première chanson brillamment interprétée, Tout bas, version française de Speak Low de Kurt Weill, tirée de la production de Broadway One Touch of Venus.
Vint au tour de la ravissante et enceinte jusqu’aux oreilles, Catherine Major, de faire son apparition sous les projecteurs pour nous livrer Les sept (longs) péchés capitaux de Kurt Weill : la partie la plus sempiternelle du spectacle. Un à un, chaque péché devenait un coup de masse de plus dans le public, et, alors que nous croyions en voir la fin… un épilogue! Sachez, cependant, qu’il n’est rien pour enlever au grand talent habituel de la chanteuse, car il devait être incroyablement difficile de chanter et de bien interpréter cette oeuvre de 1933, adaptée, par Réjean Ducharme, de Die sieben Todsünden, un ballet chanté pour cinq voix (une voix féminine accompagnée d’un quatuor masculin) et composé par Kurt Weill, sur des textes du dramaturge Bertolt Brecht. Était-ce une question de ne pas être le public cible pour ce genre de représentation? Peut-être… mais cette partie du concert n’en sembla pas moins éternelle.
Lapointe revint finalement sur scène pour nous livre La chanson de Bilbao, Der Bilbao-Song (1929), de Bertolt Brecht, extraite de la comédie musicale Happy End et Youkali (Roger Fernay, 1935). Le chanteur-compositeur-interprète eut un plaisir évident à défendre ces trois pièces musicales et, devons-nous noter, il a vraiment la voix pour : une voix au timbre unique, empreint de nostalgie. Heureusement, Pierre Lapointe sut redonner vie à ces classiques, rattrapant quelque peu le concert.
Crédits photo : ©Antoine Saito
ENFIN, deux couples de danseurs (Studio 88 Swing) nous réveillèrent par leurs prouesses sur les airs connus de Yiddish Bei mir bist du schön (Pour moi tu es belle/Sholom Secunda, 1932) et le succès américain In the Mood (Joe Garland/Andy Razaf, 1938), tous deux arrangés pour orchestre. Le public, sur sa faim, offrit une timide ovation et de légers applaudissements.
En somme, et non pas sans une pointe de déception, nous pouvons affirmer que le talent était bel et bien présent, mais que le rendement ne sut pas remplir ce qui était attendu.