C’était le 23 septembre 2019 qu’avait lieu, à la Cinquième Salle de la Place des Arts , la représentation de À la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j’ai pleuré de l’autrice Elizabeth Smart (1913-1986) mettant en vedette nulle autre que Magalie Lépine-Blondeau.
Quelques mots sur l’auteur Elizabeth Smart qui est élevée et éduquée dans la bourgeoisie canadienne anglaise d’Ottawa. Dès son très jeune âge, elle manifeste un intérêt pour l’écriture. À 19 ans, ses parents l’envoient à Londres pour étudier le piano pour lequel elle possède un certain talent, mais elle revient au pays convaincue qu’elle veut écrire et être libre. À l’âge de 24 ans, elle découvre la poésie de Georges Barker de qui elle tombe follement amoureuse. Ils sont du même âge.
Elle l’invite à la rejoindre mais il ne vient pas seul, son épouse l’accompagne. C’est alors le début d’une passion bouleversante qui s’étire pendant plusieurs années et à travers plusieurs continents. Elle a quatre enfants de lui, toujours hors mariage. Imaginez à cette époque! Elle est considérée comme une rebelle. En 1945, à Londres, Elizabeth publie By Grand Central Station I Sat Down and Wept dans lequel elle raconte tout en poésie sa relation amoureuse et houleuse avec Barker. Les liens qui l’attachent à ses parents sont plutôt négatifs et en font une “écrivaine maudite du Canada ». Dans Le Devoir, Christian Desmeules raconte: “Pour l’anecdote, la mère de Smart, flairant de loin le scandale, était parvenue à faire interdire la publication du livre au Canada en 1945. Mieux, elle aurait elle-même acheté les livres pour brûler la plupart des exemplaires britanniques qui avaient pu faire le voyage jusqu’ici”. Longtemps oublié, ce livre refait surface dans les années 90 avec la flamboyante traduction qu’en a faite Hélène Filion. Justin Laramée en a extrait des segments pour la lecture que nous avons entendue hier soir.
Quant à la lectrice, qui d’autre que Magalie Lépine-Blondeau avec sa voie sensuelle pouvait en faire la lecture?! Justement, la sensualité de l’écriture pouvait se refléter dans sa voix et ses intonations. Ce monologue était accompagné au piano par Laurier Rajotte qui a composé une musique tout aussi sensuelle qu’orageuse pour l’occasion. Il est clair, après cette lecture, qu’Elizabeth Smart possédait un vrai don pour l’écriture et que sa plume était d’une finesse incommensurable. Ses descriptions précises et si bien imagées font que simplement à leur lecture, il serait possible pour un peintre d’en créer une toile. Ses comparaisons par moments touchantes autant qu’elles peuvent être crues à d’autres, ne laissent qui que ce soit indifférent. Quel plaisir et quel défi pour Justin Laramée de faire les arrangements d’une si belle oeuvre pour les besoins du Festival!
Que peut-on dire de Magalie que vous ne sachiez déjà. Sa performance a été au-delà de nos attentes. Aucune monotonie. Tout au long de cette prestation, on a reconnu l’actrice en elle, pour ne pas dire la tragédienne. Elle a su exprimer la sensuatlité à fleur de peau d’Elizabeth, une merveilleuse lectrice qui, à la fin, pour le dernier segment, a meme remplacé Laurier Rajotte au piano (un subtil clin d’oeil à Smart) pour continuer sa lecture en nous faisant entendre une petite note ici et là. Un très beau tableau.
Ce spectacle a mis en lumière le ou les talents de chacun des participants, allant de la mise en lecture jusqu’à la technique. Le Festival international de littérature se poursuit jusqu’au 29 septembre.
Crédits Photos : Maxime Cormier