Célébrer la fierté québécoise sur les Plaines d’Abraham à Québec revête quelque chose de magique, d’électrique, et les organisateurs derrière le grandiose spectacle l’ont bien compris. Pour la 184e édition de la Fête de la Saint-Jean-Baptiste, la capitale a vibré au son d’un généreux concert de près de trois heures qui unissait ingénieusement des artistes intergénérationnels éclectiques qui en ont mis plein la vue! Ceux-ci ont même appliqué à la lettre leur mission en offrant tous ensemble une version de Ma Génération de Luc De Larochellière qui donnait des frissons.
Assurée avec panache par les sincèrement complices Isabelle Boulay, Garou et Grégory Charles, l’animation en formule trio fonctionnait à merveille et s’avérait constamment pertinente car les chanteurs possédaient une personnalité attachante et complémentaire.
Les interventions des animateurs ont, bien évidemment, souvent mis l’accent sur l’intéressant thème de la Fête nationale: l’histoire des héros. Sur 8 écrans installés un peu partout sur la magnifique scène à deux étages, la thématique prenait brillamment vie grâce à des projections de peintures de peintres célèbres comme Marc-Aurèle Fortin et Corbo, un défilé de noms de personnalités marquantes du Québec ainsi que des dessins d’enfants dépeignant des héros allant de Louis Cyr à un pompier qui sauve un chat. L’artiste Laurie Marois a aussi créé un splendide live painting.
Des discours patriotiques inspirants ont également été prononcés. Au porte-parole Michel Côté s’est joint le jeune auteur Simon Boulerice qui a parlé avec une rafraîchissante transparence de l’importance de ne pas nier la langue québécoise au profit d’un francais soutenu correspondant davantage à la perception du métier d’écrivain. La réalisatrice et auteure Anaïs Barbeau-Lavalette a décrié avec une contagieuse rage passionnée l’urgence de laisser la chance aux femmes d’être libres et de faire en sorte que leur immense talent ne soit plus dans l’ombre. Le message de la grande Marie Laberge abondait dans le même sens et s’est avéré tout aussi stimulant.
Mis en scène par Jean-François Blais et sous la supervision artistique de Jean-Benoit Lasanté, deux manitous de En direct de l’univers, le concert possédait le ton si plaisant de la populaire émission. Choristes , chorales et musiciens logés dans des cubicules ont extraordinairement contribué à ce feu roulant d’une soixantaine de chansons mariant pièces cultes québécoises et succès du moment. Surprenante, la sélection de titres a certes revisité les Plume Latraverse, Les Colocs, Éric Lapointe, Michel Pagliaro et Claude Dubois de ce monde, mais pas nécessairement avec les pièces auxquelles on s’attendait, ce qui s’est avéré fort heureux.
Livrant Viens danser de Fiori/Séguin, les Sœurs Boulay ont démontré que le spectacle n’avait pas peur de proposer des choix audacieux. Bien que nombreux et n’ayant malheureusement pas la chance de chanter plusieurs de leurs hits, les artistes , tous faisant preuve d’un enthousiasme fou, demeuraient présents sur scène pour incarner de fabuleuses harmonies.
Malgré le temps menaçant et l’humidité, le public a généreusement crié et applaudi, mais n’a étonnamment pas poussé la chansonnette trop fort. L’atmosphère de karaoké à ciel ouvert a véritablement décollé lors des numéros mettant en vedette les stars préférées des jeunes adultes . Armé de leur énergie et charisme débordants, Émile Bilodeau et sa superbe veste Québec Love (la millionnaire sur YouTube J’en ai plein mon cass) , Andréanne A.Malette (Fou),les 2Frères (Comme avant) et Manu Militari(Je me souviens), qui s’occupait aussi de la première partie, ont totalement gagné le coeur de leur public cible tout en se faisant de nouveaux admirateurs dont Guylaine Tanguay qui a avoué adorer Émile. Cette dernière a livré un yoddle à une vitesse fort impressionnante.
Le concert a également fait la part belle aux duos tantôt improbables tantôt plus connus mais réconfortants. Isabelle Boulay a particulièrement montré toute sa versatilité vocale et émotionnelle à ce niveau en chantant avec sobriété la déchirante Mappemonde en compagnie des Sœurs Boulay et Nous Autres avec les 2Frères. Avec ses collègues animateurs, elle a également plongé dans un registre rock avec l’intense La Chasse-Galerie. Puisque Garou et Daniel Lavoie se retrouvaient, l’occasion était trop formidable pour ne pas livrer Belle de Notre-Dame-de-Paris. Un moment nostalgique toujours aussi troublant. Annie Villeneuve et Corneille ont, quant à eux, magnifiquement assemblé Ensemble et Parce qu’on vient de loin pour offrir un nécessaire message porteur d’espoir incitant au rassemblement.
Célébrant cette année les 30 ans de Bye Bye mon cowboy, une énergique et fébrile Mitsou en a profité pour faire un retour en arrière englobant d’autres succès que le public connaît toujours comme Les Chinois et Dis-moi, dis-moi. Elle a même versé dans la douceur et la mélancolie country avec Lettre à un cowboy en duo avec une Isabelle Boulay très heureuse de recevoir un chapeau de cowboy!
Avec la présence de Alain Lapointe et François Jean ,l’hommage rendu au regretté Patrick Bourgeois a bouleversé. Ludovick Bourgeois a ouvert le bal en vidéo avec Tu ne sauras jamais suivi de Loulou , Fais attention, Snob, T’es dans la lune, Donne-moi ma chance offertes par tous , mais c’est la finale au son de Seul au combat qui a coupé le souffle. De dos au public, les artistes ont laissé le dernier mot à Bourgeois par le biais de son vidéoclip. D’une grande beauté et classe.
Tout juste avant de souhaiter bonne fête un jour à l’avance à Jean-Pierre Ferland et le laisser conclure le tout avec Envoye à maison, Isabelle Boulay a délivré le coup de grâce avec la blues et la soul de Les yeux au ciel qui a soulevé la foule en étant divinement accompagné des spectaculaires pétarades feux d’artifices colorés. Un instant unique et inoubliable autant pour le public que pour l’interprète qui semblait fort satisfaite de sa performance.
En espérant que la 185e édition en offrira encore pour tous les goûts et que ce galvanisant sentiment d’humanité et de générosité sera également au rendez-vous!
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média