Assister à une représentation de La Conférence dans l’optique de la critiquer objectivement pousse le journaliste à remettre en question son rapport à la création, son existence-même, d’une façon plus complexe et incisive. Un peu comme l’a dû faire l’auteure Amélie Dallaire pour accoucher de cette mise en abîme théâtrale qui explore son propre processus créatif. À travers des métaphores tantôt réussies tantôt inutilement nébuleuses, la dramaturge derrière Queue Cerise (présentée en 2016 au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui) détruit d’une manière originale, prometteuse mais pas aboutie cette fausse nécessité de devoir trouver des significations à la créativité, qu’elle soit d’ordre artistique ou relevant du Big Bang.
Pour raconter la démarche artistique de sa démarche artistique (vous suivez toujours?!), Amélie Dallaire a recours à une forme de présentation mondialement reconnue : la conférence. Cette idée s’avère à la fois ingénieuse, hilarante et un bon moyen de rendre l’exercice plus accessible au public qui se voit malgré lui être un public de conférence! Tous les clichés reliés aux ateliers de motivation sont broyés dans le mélangeur : un ordre du jour boiteux auquel on déroge, une introduction timide, des silences pesants, des vidéos pour égayer l’intérêt, des jeux se voulant ludiques mais qui sont inconfortables, des conseils qui laissent sceptiques, la pertinence supposément révolutionnaire du Power Point, des absences pour aller à la toilette, des problèmes techniques… Dallaire utilise avec ironie et mordant cet univers d’apparence morne afin de mieux explorer avec liberté et humour la provenance des idées. Malgré quelques répliques qui plongent sans raison les spectateurs dans le doute, les parallèles que l’on peut dresser entre une conférence et la création sont assez brillants lors du premier acte et provoquent beaucoup de rires francs.
Malheureusement, les nombreuses répétitions et les déviations dans le texte finissent par lasser. Autant que le public apprécie ces réflexions face à la créativité autant qu’il vient à penser qu’il a assez réfléchi! Malgré sa durée de 60 minutes, la pièce cumule les longueurs et a réellement besoin d’être resserrée. Même si l’objectif est de faire comprendre que tous les chemins de la création ne mèneront jamais à une finalité unique et absolue et que celle-ci a autant de versions qu’il y a de gens sur la terre, il est un peu frustrant d’imaginer à quel point La Conférence troublerait et frapperait encore plus fort si sa structure devenait plus fluide. Toutes les subtilités qui s’en dégagent, donc celle, magnifique, sur ce monstre déchirant qu’est le public, cette notion indispensable à tous créateurs même quand on préfère arrêter d’y penser, méritent d’être mieux mises à l’avant.
Pour interpréter les trois conférenciers, Amélie Dallaire, Éric Bernier et Raphaëlle Lalande conservent leurs noms, insufflant ainsi une savoureuse touche d’autofiction qui humanise les personnages. Tous défendent avec aise ce texte ardu. Raphaëlle Lalande déborde de charisme, Amélie Dallaire marque par son humour pince-sans-rire alors qu’Éric Bernier s’avère touchant dans le rôle du souffre-douleur qu’il incarne à la perfection.
La conférence sera présentée ce soir dans le cadre du Zoofest au Monument-National à 19h30.
Crédits Photos : Myriam Frenette