Généreuse et passionnée résument parfaitement l’autrice-compositrice-interprète Caracol que nous avons rencontrée pendant les Francos de Montréal. Voici ce qu’elle avait à nous dire sur sa démarche artistique et ses prochains projets!
Tu as donné un spectacle aux Francos de Montréal sous la pluie. Comment gère-t-on la pression de continuer le spectacle et de garder la foule dans une énergie positive ?
Moi, me soucier de la météo, ça fait longtemps que j’ai arrêté de faire ça parce que c’est quelque chose qu’on ne peut vraiment contrôler. Cinq minutes avec le spectacle, on ne savait même pas si on jouait parce qu’il y avait des alertes de vents extrêmes, donc j’étais juste contente que le spectacle ait lieu finalement. En fait, ça a super bien été! J’ai aimé l’ambiance. Il y avait d’autres scènes qui étaient fermées, fait que je pense qu’on rassemblait les gens qui étaient sur le site, ils étaient tous à mon show , beaucoup de médias aussi. Les gens qui étaient là, c’était les plus courageux, les plus motivés, je les ai trouvé chaleureux. Le monde est resté jusqu’à la fin. Ça a vraiment rendu le spectacle spécial et j’ai vraiment vécu une super belle expérience malgré la pluie.
Pendant ce spectacle-là tu as parcouru tes albums solo et on remarque que tu es passé du folk à de l’electro pop assumé. Qu’est-ce qui a déterminé ce virage-là ?
Ça fait longtemps que je fais de la musique, fait que je trouve ça normal d’évoluer premièrement. Je suis une personne qui a toujours été exploratrice, j’aime innover, j’aime ça me réinvente, et c’est la même chose dans ma carrière musicale. Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’avant même d’avoir une carrière comme artiste, j’ai étudié en conception sonore et j’ai travaillé dans les studios à faire de la musique de films pendant plusieurs années. Le côté production a toujours fait partie de ma culture musicale, c’est presque un retour aux sources pour moi parce que je l’avais presque mis de côté cet aspect-là pendant quelques années. Ce qui m’a vraiment ramené à ça, ce sont des invitations à des camps d’écriture il y a quatre ans. J’écris pour d’autres artistes aussi. Je n’ai pas juste mon projet, j’ai plein d’autres projets, j’écris des toplines pour d’autres artistes, pis c’est justement là que j’ai commencé à côtoyer la scène du beatmaking et à retourner vers de la musique de production. Ça m’a beaucoup inspirée dans mon propre projet. Par contre, je veux toujours garder un équilibre parce que je pense que mon côté super organique, mon côté indie pis mon côté roots que j’ai dans ma personnalité, ils sont encore là en musique, c’est juste que je me suis comme modernisée dans le fond.
Donc, tentes-tu de ne pas imposer une étiquette à ton univers musical?
Oui, vraiment! Je pense que ben c’est clair que je ne m’en impose pas parce que si je m’en étais imposée une, je n’aurais pas changé mon son autant. L’étiquette que je m’impose, en fait, c’est de rester authentique, de suivre mon inspiration et de justement ne pas me brimer en me demandant si les gens vont être déstabilisés. Au contraire, j’espère qu’ils vont être déstabilisés. Ce n’est pas juste mon son, la vie aussi. Depuis dix ans, je trouve que la vie a changé, notre vie à tous a changé, donc c’est normal que la musique change aussi, et je suis fière d’avoir suivi le courant. Il y a des artistes que j’ai côtoyés il y a dix ans qui ne font plus ça dans la vie, ils se sont découragés et sont passés à d’autres choses. Moi, ma passion pour la musique est plus élevée que jamais et il est hors de question que je fasse d’autres choses. J’ai adapté ma créativité au monde d’aujourd’hui et j’en suis fière. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui m’ont suivie là-dedans et qui trouvent ça cool.
Tu accordes beaucoup d’importance à ton look. Comment le travailles-tu?
C’est une bonne question, je n’ai pas l’impression de le travailler tant que ça! Je pense qu’une chose qui nous a pas mal forcé, nous les artistes, à travailler sur notre image, ce sont les réseaux sociaux…pour le meilleur et pour le pire! Quand j’ai commencé, il n’y avait rien de ça. On prenait trois photos de presse à la sortie de l’album et c’était les trois mêmes photos qu’on utilisait pendant deux ans! On n’avait jamais à se soucier de ça, donc c’est certain que, parfois, c’est épuisant de nourrir les réseaux sociaux. Finalement, une grosse partie de notre travail c’est d’avoir l’air cool! C’est très réfléchi quand même, et j’aime que ce soit une façon d’exprimer ma créativité. En même temps, je trouve que ça ajoute une facette à la musique. On vit dans un monde de branding. On est tous visé en tant qu’artiste à être plus entrepreneur que jamais, et, pour moi, c’est vraiment aussi une possibilité de pousser mon art plus loin et de collaborer avec des gens du domaine.
Tu travailles autant en français qu’en anglais. Pourquoi c’est important pour toi de travailler dans les deux langues ?
Au départ, ce n’était pas nécessairement parce que c’était important, mais c’est juste que, comme je te le disais tantôt, j’y vais avec mon inspiration. Ma vie est très bilingue depuis toujours. Mon père est uruguayen , ma mère est suisse. Je suis née au Québec, j’ai grandi dans les Cantons de l’Est. À 17 ans, je suis partie vivre en Colombie Britannique. J’ai habité au Vermont, j’ai voyagé en Europe, donc c’est comme super normal pour moi de changer de langues, même jusqu’à l’espagnol. Chaque langue n’a pas la même poésie. Comme je fais de la traduction de chansons pour d’autres artistes aussi et que je baigne un peu là-dedans, je trouve ça vraiment intéressant de voir que, quand je traduis une chanson, je l’adapte plus que je la traduis. Ce sont des subtilités de significations de langages qui sont super fascinantes. Pour moi, c’est comme des instruments de musique différents. C’est comme s’accompagner au piano et à la guitare ; ça ne va pas donner le même résultat ni la même émotion.
C’est d’être fidèle à mon inspiration. Sincèrement, ça m’ouvre aussi des marchés différents. J’ai la chance d’être inspirée dans la vie, de produire beaucoup et d’être prolifique, fait que j’en profite. Je pense que le tabou qu’on avait il y a quelque années qu’il fallait absolument choisir entre le français et l’anglais est tombé ; je ne le sens pu comme avant en tout cas. Ça a toujours été comme ça. Je me souviens que, lors de mon premier album, il y avait des madames qui étaient fâchées parce que j’avais chanté quelques chansons en anglais. Ça, ça ne m’arrive plus. Les gens maintenant trouvent ça en général cool. Je pense que le rap ça a beaucoup ouvert des portes à ce niveau. On met ça à notre avantage. Le milieu de la musique est compétitif. Quand tu veux réussir, il faut être sur tous les terrains.
Il y a une de tes chansons, Classic Movie, qui apparait dans une publicité de TELUS. À quel point cette visibilité-là a de l’impact dans ta carrière ?
Ça touche un autre genre de public parce que je fais plus mon chemin dans un réseau alternatif et sur le web. Le public »madame monsieur tout le monde » qui regarde les grosses stations de télévision, je pense que c’est seulement avec des projets comme ça que je peux les rejoindre. Ce sont des projets qui vont me permettre de financer d’autres projets, donc c’est cool. C’est un projet qui est arrivée et qui m’a permis de sortir la chanson, parce que cette chanson-là , je n’avais même pas prévu de la sortir. On a eu une demande pour savoir si on avait une chanson qui parlait de cinéma, et ça faisait trois ans que j’avais cette chanson-là dans mon tiroir. J’écris beaucoup, je ne peux pas tout sortir, mais il y a eu cette opportunité-là. La chanson a été présentée et ça collait vraiment sur l’annonce. C’est important de pas juste sortir un album et rien faire pendant deux ans. Ça me donne des idées pour faire d’autres projets, d’autres contenus.
Tu as composé la trame sonore Tenir tête et de Quel jour on n’est, urgence , santé mentale , deux projets traitant de maladie mentale. Pourquoi c’est important pour toi de t’impliquer dans la sensibilisation de ce sujet ?
Je trouve que c’est un sujet qui touche beaucoup de monde. Ces deux projets ont été réalisés par le même réalisateur, Mathieu Arsenault, avec qui j’ai une belle complicité parce que ça fait trois projets maintenant qu’on fait ensemble. J’avais aussi fait un autre film avec lui il y a deux ans qui parlait d’intégration des jeunes en centre jeunesse, fait que c’est lui qui m’a amenée sur ce terrain-là de la santé mentale parce que c’est sur son terreau. C’est justement un réalisateur qui parle des enjeux de société tout le temps dans ses films. Ça m’a touché ces projets-là parce que, dans le milieu de la musique, sincèrement, je pense que 90 % des artistes incluant moi font de l’anxiété ou de la bipolarité, donc je me sentais apte à comprendre le message de ce réalisateur. Je trouve ça cool que ses films ont eu un gros succès. Je reçois des messages chaque semaine me demandant le titre de la chanson et où on peut se la procurer. Je vois que les gens sont intéressés par ça, et c’est normal parce que, la vitesse effrénée de notre mode de vie a nécessairement des impacts sur notre santé mentale. Ça ne ralentira pas, on s’entend tous là-dessus. Donc, je pense que mettre en lumière ces problèmes humains est important.
Crédits Photos : Stéphanie Payez Éklectik Média