C’est maintenant devenu une tradition. Juste pour Rire adapte avec un succès phénoménal des comédies musicales extrêmement populaires autant à Brodaway qu’au cinéma. La plupart des gens sont prêts à se rendre à Montréal et débourser une somme considérable pour être divertis et ainsi oublier les tracas quotidiens pendant plus de deux heures. Après Hairspray, Grease, Mary Poppins et Footloose, voici le tour de Fame, œuvre qui retrace les hauts et les bas d’adolescents étudiant dans la prestigieuse école Supérieure des Arts de New York. Même si le spectacle mis en scène par Serge Postigo ne réinvente pas la roue au niveau narratif, il propose néanmoins le visuel le plus attrayant et impressionnant que Juste Pour Rire a offert jusqu’à présent pour une production de ce genre.
L’intrigante et éblouissante scène d’ouverture montrant un métro new-yorkais et son environnement sous toutes ses formes donne le ton. Dès les premiers instants, le décor conçu par Pierre-Étienne Locas fascine. La scénographie transpose avec une crédibilité remarquable projections numériques sur un mur à deux étages en fausses briques. Que ce soit dans une cafétéria, une salle de classe ou à l’extérieur du campus, les éléments élaborés par ordinateur s’intègrent à merveille dans le décor. Autant sur une plaque tournante que sur des ascenseurs, les jeux d’illusion spectaculaires imaginés par Marc-Alexandre Brûlé évitent les temps morts et assurent des enchaînements parfaitement fluides entre les changements de lieux. Le large miroir utilisé pour les cours de danse à l’intérieur duquel se cache les locaux de répétition des étudiants en musique est une trouvaille particulièrement ingénieuse et impressionnante.
Le public ne sait plus où regarder, mais pour de bonnes raisons. Les chorégraphies de Steve Bolton s’avèrent enlevantes et originales. On se croit à Broadway, rien de moins! Les comédiens et danseurs possèdent un talent fou et n’ont absolument rien à envier à ceux qui jouent réellement sur les planches de New York. Les mouvements sont exécutés avec une telle liberté et précision qu’il est impossible de détacher le regard. Ceci dit, bien que extrêmement beaux, certains numéros nuisent à la cohérence et à la fluidité de la trame narrative. On se perd dans la chronologie. Lors d’une scène, nous sommes au début du trimestre et lors de celle d’après, nous en sommes à la fin. Cela demande un temps d’ajustement aux spectateurs qui, à la base, ne comprennent pas trop pourquoi l’oeuvre se déroule après le succès monstre du film, succès qui remplit encore plus d’illusions les jeunes étudiants qui rentrent à l’école, plutôt que de simplement recréer l’oeuvre connue de tous. Heureusement, l’humour et l’énergie s’avèrent juste assez contagieuses pour pardonner ces imperfections.
Fame ne raconte pas une histoire à proprement parlé. Il s’agit plutôt d’un spectacle choral avec des personnages rêvant au même objectif : accéder à la gloire artistique. Puisque ceux-ci s’avèrent nombreux, le public ne peut hélas s’attacher à eux de manière égale. Ils dévoilent une partie de leur histoire mais disparaissent pendant des lunes. On ne s’intéresse pas vraiment à leurs amourettes clichées, mais, en revanche, leurs déchirures et leurs espoirs qui se masquent sous leur personnalité stéréotypée (la gênée, le bel acteur incompris, le musicien prodige intello,…) captivent follement. Dommage qu’on n’y a pas accès entièrement… Dommage aussi que les acteurs doivent accentuer leur accent. La grande place à la diversité et à des étoiles montantes est franchement rafraîchissante, nécessaire et intéressante, mais on ne peut s’empêcher de penser que ce serait bien d’essayer une adaptation d’une comédie musicale avec l’accent québécois.
L’aspect créatif est de loin le plus engageant. La scène dans laquelle les excellents Jonathan Caron et Élisabeth Gauthier-Pelletier composent une chanson est des plus adorables. Il aurait été bien d’exploiter ce filon davantage. Au chapitre des performances d’acteur, Stephan Allard se démarque dans le rôle du professeur dramatique bienveillant mais d’une délicieuse lucidité. Lisa Palmieri soutire de rires francs. Simon Fréchette-Daoust fait preuve d’un charisme flamboyant et chante divinement. La naïveté de Gabrielle Caron fait sourire au même titre que l’aplomb de Mathilde Laurier. Le danseur belge Junbox chavire le cœur avec l’exactitude et le dynamisme de ses mouvements.
Comme c’est malheureusement souvent le cas dans ce genre de production, le fort volume de la musique irrite. Il est ardu d’entendre toutes les paroles prononcées par les chanteurs. Même Marie-Denise Pelletier, qui possède une voix extraordinaire et puissante, avait de la difficulté à se faire comprendre. Néanmoins, cela ne l’a pas empêché de nous donner des frissons avec son registre vocal maîtrisé et ses émotions à fleur de peau. Par contre, certaines traductions dans les textes chantés manquent de profondeur. La première apparition de la célèbre Fame fait sourciller des dents car pas chantée au complet et elle ne convient pas tout à fait à la scène dans laquelle elle est placée.
Ceci étant dit, malgré les petits accrocs, Fame éblouit par sa facture visuelle qui ébahit et qui vit en nous… forever 😉
Crédits Photos : Laurence Labat