Heavy or not heavy ,le banquet brutal et sanglant de Macdeath

Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’on en commun William Shakespeare et la scène death metal? Si on y réfléchit comme il faut, on constate que ces deux mondes se rejoignent par leur univers sombre, violent et sanglant. Le metteur en scène, Jocelyn Pelletier, a eu l’idée folle de fusionner les textes lyriques de Macbeth dans une adaptation originale nappée de guitares saturés et de cris gutturaux. L’œuvre de Shakespeare a été monté si souvent que de trouver un façon pertinente de renouveler un tel répertoire représente toujours un défi titanesque, pour ne pas dire casse-cou. Concernant Macdeath, on peut dire sans l’ombre d’un doute que c’est mission accomplie!

Un mariage tragiquement parfait

Le spectacle se veut dans un premier lieu un croisement entre théâtre et concert de musique. Pour faire simple, on assiste à une sorte d’opéra métal qui jongle avec les deux disciplines en plus d’être appuyé par des projections multimédias. Macdeath est en fait le frontman du groupe. Il occupe la fonction de bassiste ainsi que de vocaliste principal. Il est accompagné par Banquo, son fidèle compagnon à la guitare, et de Lady Macdeath en tant que vocaliste et claviériste. Le texte lyrique de Shakespeare est ainsi mélangé aux chansons du groupe pour donner vie à une espèce d’album concept aussi dérangeant que brillant. Jocelyn Pelletier montre que non seulement il a su saisir l’essence du texte du légendaire dramaturge, mais qu’il comprend et sait jouer avec les codes du death metal.

Ce dernier a également fait des choix judicieux dans le matériel puisé. Pour ainsi dire, certains personnages moins importants tels que Macduff, Duncan ou Malcolm (pour nommer que ceux-ci) sont absents dans la pièce, et c’est tant mieux. Le fait d’avoir coupé ces éléments permet d’aller à l’essentiel et de mettre de l’avant les éléments majeurs du récit et de les travailler au maximum. Le texte est interprété en anglais et en français. Aussi curieux que cela puisse paraître, cela appuie beaucoup la musicalité du texte et des chansons. Il faut préciser aussi que l’accent normatif a été mis de côté dans le but de donner un rendu plus sec et viscéral au texte. Un choix qui, pour les puristes, peut sembler impardonnable, mais qui se tient dans le contexte. Les acteurs articulent toutefois de façon irréprochable, ce qui n’est pas évident lorsqu’on joue avec un accent plus relâché et encore plus quant il s’agit de textes classiques. Le seul hic, c’est qu’on perd parfois du texte car les instruments enterrent légèrement les voix.

Pour ce qui est de la composition des morceaux, encore une fois, on a droit à un catalogue étonnamment varié. Chaque morceau sert de véhicule dans le but de poignarder sauvagement nos émotions à mesure que l’intrigue avance. Musicalement parlant, le groupe joue tout en nuances et ne se contente pas de nous démolir l’ouïe avec des blasts beats à 180 BPM. Le death metal est souvent considéré comme un genre plutôt répétitif, mais ce n’est pas le cas de Macdeath, qui ferait même rougir certains gros noms du genre. Les musiciens réussissent avec brio à projeter leur ambition, leur colère, leur folie et leurs craintes par le biais de riffs bien lourds et de cris à faire réveiller les morts.

Une mise en scène qui frappe

Ironiquement, le spectacle est présenté au théâtre La Chapelle à Montréal. La première chose que l’on puisse dire,  c’est que la sonorisation est impeccable. La plupart des théâtres étant plus ou moins adaptés pour ce type d’exercice, le son, à vrai dire, sort mieux que dans certaines salles qui, elles, ont été conçues pour des spectacles de musique. Question mise en scène, le travail sur l’éclairage ainsi que les projections multimédias nous plongent dans une atmosphère similaire à celle que l’on retrouve lorsque l’on assiste à un concert métal.  On a même le droit à une machine à fumée qui rajoute une couche brumeuse au spectacle, autant au sens figuré qu’au sens large. Mention spéciale au travail de projection multimédia qui ne se limite pas à nous présenter des images et des bribes de texte, mais qui s’imbrique directement dans la mise en scène. En effet, l’écran du fond est connecté à une caméra qui est utilisé à certains moments clés de la pièce pour capter l’action, autant sur scène qu’en coulisses.

De plus, l’engagement des acteurs/musiciens est tellement fort qu’on ne peut que se laisser transporter dans cette spirale de sang et de décibel. Les costumes et le maquillage ont aussi été soignés dans le moindre détail. Inspiré de la stylistique issue du black metal norvégien, les personnages ont une allure effroyablement crédible.

La seule mise en garde à faire concernant la pièce est que si vous n’êtes pas familier ni avec l’œuvre de Shakespeare ni avec le genre death metal, vous risquez de vous y perdre un brin. Cela ne vous empêchera pas pour autant d’apprécier le spectacle, mais certaines subtilités risquent de vous échapper.

Crédits Photos : Robert Pelletier