Incendies embrase le théâtre Duceppe avec un classique du répertoire québécois. Teintée de l’expérience de réfugié de Wajdi Mouawad, la pièce jette un regard cru sur les ravages de la guerre. Un thème brûlant d’actualité avec la situation au Proche-Orient.
Si le texte s’articule autour d’un drame intimiste, il témoigne de tous ces destins brisés par les conflits armés. Des tensions qui résonnent bien au-delà des planches, comme les atrocités, en cours, à Gaza et au Liban.
Plus de 20 ans après sa création, Elkahna et Ines Talbi offrent une nouvelle vision engagée des horreurs de la guerre. Des flammes de la violence aux stigmates des victimes, la pièce consume le spectateur. La vision épurée des sœurs Talbi sert une démarche explosive où les mots résonnent comme des bombes.
Sur scène, Jeanne et Simon Marwan sont bouleversés par le testament de leur mère. Parmi ses dernières volontés, elle leur fait une étrange demande : retrouver un père et un frère disparus pour leur remettre une lettre. Cette révélation est un choc pour les jumeaux qui ignoraient tout de leur existence. Une découverte qui les confronte aux secrets de la défunte. Commence alors une quête initiatique sur les traces de « la femme qui chante ».
Incendies est une pièce à la chronologique brisée où passé et présent se confondent. À partir de structures cubiques mobiles, la scénographie laisse au spectateur le soin de s’imaginer le décor. Ce choix minimaliste pourra surprendre, voire diviser, dans la visualisation des lieux et des époques. Certains auront de la difficulté à suivre les transitions. D’autres apprécieront cette abstraction, grâce à aux jeux de lumière et aux costumes.
PLACE À LA DIVERSITÉ
La distribution laisse une grande place à la diversité, ce qui renforce le symbolisme de la pièce. Dominique Pétin est incandescente en Nawal Marwan. Au fil de souvenirs fragmentés, la comédienne explore son rôle à divers âges (14 à 65 ans) avec une profonde conviction. Tour à tour jeune fille candide, militante aguerrie et mère absente, son charisme transperce la pièce. Il entoure de son aura Sabrina Bégin Tejeda (Jeanne) et Neil Elias (Simon), moins expérimentés, dont la prestation est néanmoins sincère. Quant à Denis Bernard (Hermile Lebel), il offre une touche de légèreté dans cette tragédie contemporaine.
Construit comme un jeu de pistes, Incendies est une expérience théâtrale éprouvante qui nous brasse dans tous les sens. Durant 2h15 (sans entracte), on brûle de reconstituer le portrait de cette famille hantée par un passé traumatique. Malgré tout, l’implacable fatalité côtoie une étonnante résilience oû libérer la parole s’affranchit du cycle du sang. Une vision humaniste face à une barbarie millénaire qui pose un regard acéré sur l’activisme politique et la violence faite aux femmes.