La femme qui fuit ouvre avec audace la nouvelle saison du TNM. Cette adaptation du roman multiprimée reprend les grandes lignes de l’œuvre originale. Le parcours de l’autrice Anaïs Barbeau-Lavalette, partie sur les traces de sa grand-mère.
Le projet théâtral se devait d’être à la hauteur de ce bouleversant récit au succès retentissant. Autant dire que l’attente était grande. Alexia Bürger a réuni dix-neuf interprètes pour donner vie à ce spectacle. Une troupe dont la performance est au diapason. L’idée du chœur déroutera sans doute, mais sa singularité finit par s’imposer.
Sur scène, la narratrice nous raconte l’histoire de l’insaisissable Suzanne Méloche. Petite fille de l’artiste, elle tente de percer le mystère de cette femme anticonformiste. Qui est cette Suzanne qui se dérobe sans cesse ? C’est la question digne d’un journalisme d’investigation. Une mère-épouse-peintre-poétesse dont la devise pourrait bien être: « Ni Dieu, ni maître ». La pièce remonte donc le fil de ses multiples vies. S’en suit un portrait fragmenté des moments clés de son passé. On essaye de la suivre dans ce parcours foisonnant, témoin de bouleversements sociaux. De la Grande Noirceur à la Révolution tranquille en passant par la ségrégation raciale.
Un chœur flamboyant
La femme qui fuit sort du moule artistique grâce à sa scénographie atypique. Attendez-vous à être surpris par l’agencement de l’espace. Un grand escalier immaculé nous invite à l’onirisme dans une vision sublimée de la réalité. La scène prend des allures de toile automatiste, ponctuée de subtiles touches de couleurs. On pourrait même l’associer à un grand livre blanc dont les pages s’écriraient au cours de la représentation. Chaque chapitre illustrant l’univers romanesque de Suzanne.
Pas moins de six comédiennes prêtent leurs traits à ce rôle. Justine Grégoire (en alternance avec Agathe Ledoux), Anna Sanchez, Zoé Tremblay-Bianco, Éveline Gélinas, Marie-France Lambert et Louise Laprade. Des interprétations en miroir qui suivent une chronologie linéaire, de l’enfance à la vieillesse.
Les personnages secondaires sont le plus souvent associés au chœur. Un ensemble de voix, dont la fusion, forme une partition musicale. Une prouesse pour son aspect technique sans fausses notes. Mais aussi pour son effet domino où chacun supporte la prestation de l’autre. Cela permet à la distribution de briller d’un même éclat sans les comparer.
En marge du décor, l’irrésistible Catherine De Léan joue la narratrice-conteuse, fil rouge indispensable de l’histoire. Elle prend à témoin le public, brisant au passage le fameux quatrième mur.
La femme qui fuit est un bel ajout dans le répertoire du TNM. Elle s’inscrit parfaitement dans sa vocation d’être le théâtre des classiques, d’hier et de demain. La pièce offre en cela une réflexion engagée sur la maternité, la quête identitaire ou encore le statut de la femme dans la société.
La femme qui fuit – Au TNM jusqu’au 11 octobre
Texte : Anaïs Barbeau-Lavalette
Adaptation : Sarah Berthiaume
Mise en scène : Alexia Bürger.