À la fois une comédie hilarante et un profond drame humain, Le Rire, troisième long-métrage de Martin Laroche à l’affiche dès aujourd’hui, décortique le rire sous toutes ses facettes imaginables…et inimaginables, ce qui donne lieu à une oeuvre poignante, audacieuse, éclatée et tendre.
Ne plus avoir le goût de rire. Se forcer de rire. Rire pour oublier. Rire spontanément. Se sentir coupable de rire après une épreuve atroce. Le scénario de Laroche explore ces diverses déclinaisons par l’entremise du personnage de Valérie (Léane Labrèche Dor), seule survivante d’un régime terroriste au Québec. Comment se reconstruire après avoir vu son chum mourir devant ses yeux? Comment faire comme si de rien n’était à l’intérieur d’une société fausse et hypocrite? Comment apprivoiser à aimer la vie malgré tous ses paradoxes? C’est ce paradigme que vit Valérie des années après la tragédie, maintenant dans une relation saine avec Gabriel (Gabriel Landry) et travaillant comme préposée dans un CHSLD où elle se lie d’amitié avec Jeanne (Micheline Lanctôt), une femme cultivée gravement malade.
Pour illustrer que le rire est empreint de tristesse et qu’il renferme plusieurs émotions contradictoires, Martin Laroche a décidé de livrer son récit de manière déjantée sous formes de tableaux et de créatures relevant du fantasme. Il a crée volontairement de la confusion au sein de certains personnages ainsi que des intrigues inachevées pour que le cinéphile se laisse bercer et fouetter par ses propres interprétations et ses propres expériences. On ne perçoit aucun signe de lâcheté ou de manque d’originalité dans cette démarche puisqu’elle est réalisée avec passion et finesse. Ce n’est donc pas irritant que l’histoire ne s’avère pas totalement limpide parce qu’elle réserve des risques artistiques louables, une vision et un ton cinématographiques peu vus au Québec et une poésie grandiose qui prend vie grâce à des fresques spectaculaires s’apparentant à des oeuvres d’art.
Après une ouverture lumineuse et satirique mettant en scène des infirmières s’adonnant à un ballet contemporain à même leur lieu de travail, on est happé par l’horreur de la guerre. C’est cru, anxiogène et insoutenable. Un moment de cinéma inoubliable porté par une Léane Labrèche Dor sensationnelle. Pour son deuxième premier rôle au grand écran, la comédienne confirme son immense versatilité. Grâce à son naturel désarmant, on rit de bon cœur, on pleure généreusement, on rit jaune, on pleure légèrement…bref, on passe à travers un éventail de nuances fignolé avec intelligence et panache. Micheline Lanctôt signe également une partition fort juste et lumineuse. On ressort de la projection troublé mais inspiré.
Maintenant à l’affiche.
Crédits Photos : Maison 4:3