Rita veut « toute savoir » de la culture littéraire et du bon goût. Cherchant à donner un sens à sa vie par les arts, elle ressent l’envie irrésistible de s’extirper de son milieu modeste et inculte pour y parvenir. C’est en s’inscrivant à l’Université populaire, qui propose des cours sous forme de tutorat à des décrocheurs scolaires, qu’elle fait la rencontre de Frank, son professeur désabusé et alcoolique.
La rencontre entre Rita (Émilie Bibeau), qui ne sait rien, et Frank (Benoît Gouin), qui en sait trop, se pose d’abord comme un contraste caricatural à l’excès. Elle l’assomme à coup de « vous pensez-tu » pendant qu’il l’embrouille avec ses références littéraires. Aux premiers abords, la collaboration s’annonce impossible. Pourtant, les réflexions naïves, la spontanéité et l’émerveillement de Rita réussissent à séduire Frank qui finit par voir en son étudiante un véritable diamant brut.
Émilie Bibeau, à l’instar de son personnage qui conquiert le cœur de son professeur, se rend aisément attachante aux yeux du public. Celle qui « ne veut pas être drôle » provoque l’hilarité générale dès ses premiers instants sur scène. Benoît Gouin offre un jeu crédible et constant sous les traits de l’homme lettré qu’il interprète. On ressent bien chez lui le désarroi qui l’habite face à sa peur de gâcher l’authenticité de Rita en lui inculquant une pensée « manufacturée » par le milieu académique dont il se sent lui-même victime et prisonnier. Entre le placage des connaissances nouvelles de Rita et les avertissements de Frank quant aux dangers d’asservissement de sa démarche, la pièce se veut un vibrant plaidoyer pour la culture comme véhicule de sens pour l’existence.
La mise en scène de Marie-Thérèse Fortin est correcte, mais sans fantaisie. Sans grande prise de risque, elle semble se coller au plus près des propositions inhérentes au texte. Des deux heures de représentation peut finir par se dégager un certain effet de redondance, surtout quant aux nombreuses transitions que commande cette pièce qui utilise de façon répétitive le même procédé. La scénographie de Loïc Lacroix Hoy est dans la continuité de cette mise en scène très classique, représentant le bureau, esthétique et bordélique à la fois, du professeur universitaire. Accrochée sous une lampe au fond de la pièce, La Naissance de Vénus de Cabanel fait peut-être référence à la « renaissance » symbolique de Rita.
Cette adaptation de L’éducation de Rita présentée au Théâtre du Rideau Vert est portée sur scène adéquatement par son équipe de création. Bien qu’on aurait aimé y voir un petit supplément de créativité et un apport de réflexion par la metteuse en scène, cette version saura tout à fait combler les attentes de ceux qui découvriront l’œuvre pour la première fois, laissant peut-être ceux qui sont familiers avec le film ou la pièce sur une impression de déjà vu.
Crédits Photos : François Laplante Delagrave