Quand on repense au visionnement de Les hirondelles de Kaboul, on ressent encore des parcelles de douleur dans le plexus tellement les émotions y sont fracassantes. Mais, entre autres grâce au médium animé préconisé, les créatrices Zabou Breitman ( Je l’aimais, Se souvenir des belles choses) et Eléa Gobbé-Mévellec sont parvenues à insuffler une certaine lumière à des thèmes sombres comme l’intégrisme religieux, la misogynie et le désamour.
Adaptation du deuxième tome d’une trilogie de l’auteur algérien Yasmina Khadra portant sur les conflits opposant l’Orient à l’Occident, l’oeuvre attire l’attention dans plusieurs festivals européens, et on comprend rapidement pourquoi. Dès les premières scènes, on est happé par les couleurs pastels et les traits fins du crayon. Évoluant à l’abri des technologies clinquantes, les dessins ont davantage l’opportunité de dégager des sentiments authentiques. Plus le récit avance, plus cette légèreté dans les mouvements devient vitale pour embarquer dans les noires destinées des protagonistes sans se noyer dans nos propres larmes. Bien qu’il aborde des éléments tragiques, le récit ne verse toutefois jamais dans la mièvrerie, loin de là. C’est si bien écrit et filmé que le réalisme nous souffle au point de devenir insoutenable.
Années 1990. Des hirondelles survolent les habitants de Kaboul en leur miroitant inconsciemment leur douce liberté. Les deux couples au cœur de l’histoire ne s’en souciaient pas tellement jusqu’à ce que des événements inattendus les fassent revoir leurs valeurs fondamentales. Même si son mariage avec sa sublime femme avocate Zunaira ne connaît pas d’entraves majeures, Mohsen se sent de plus en plus déchiré par la montée des talibans dans la ville. Il succombe à ses envies de pouvoir en participant à une séance de lapidation publique, ce qui déclenche en lui un torrent de questionnements identitaires qui l’amènera à humilier sa femme qui, dès lors, verra sa vie complètement bousculée. Pendant ce temps, Atiq, un gardien de prison, s’interroge également sur sa foi, lui qui est totalement atteint et aigri depuis que sa femme Mussarat est rongée par une lente maladie. Sa route croisera celle de Zunaira pour une troublante danse entre la plus pure beauté du monde et sa plus implacable laideur.
Bien que les films d’animation destinés à un auditoire diamétralement majeur et vacciné se succèdent de plus en plus, il demeure risqué d’en produire un avec autant de sujets lourds. Et si le public cible est rebuté par sa forme, croyant qu’il aura affaire à un film pour enfant? Or, Les hirondelles de Kaboul tire à son avantage ce risque pour aller plus loin et plus crument dans ses propos. Parler de la quête de liberté avec une liberté aussi décomplexée bouleverse et inspire. Sur le plan narratif, les revirements sont ingénieux et bien ficelés. Ils atteignent leur paroxysme grâce à tous les enjeux de société qu’ils contiennent. Qu’il est triste que les sujets soient encore d’actualité, mais l’oeuvre déborde également d’un espoir qui nous persuade que l’amour des autres et de soi transcendera toujours les pires horreurs.
Les Hirondelles de Kaboul, maintenant à l’affiche au Québec.