M.I.L.F : La trinité de la maternité

Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui accueille le temps de quelques représentations le Théâtre du Trillium qui nous présente sa toute dernière création qui s’intitule M.I.L.F. Écrite par l’autrice Marjolaine Beauchamp, la pièce nous présente trois femmes au parcours à la fois similaire et divergent. Sur un ton tranchant et sans détour, ces trois mères nous témoignent leurs frustrations, leurs rêves, leur résilience et plus encore. Trois histoires qui se font écho entre elles afin de mettre la hache aux tabous de la maternité et de la sexualité.

Un message symbolique fort et sans détour

Il est très difficile, voire plutôt impossible, de résumer la pièce de façon conventionnelle. Autant parler de la forme de l’écriture. En effet, le texte est excessivement poétique. Il faut savoir que l’autrice est reconnue comme poète et non en tant que dramaturge à la base. Le récit déroge, de ce fait, du cadre narratif habituel et offre un récit symbolique où le quotidien des trois femmes s’entrecroise. Il n’y a qu’une seule scène de dialogue. Encore là, il ne s’agit pas d’un dialogue à proprement parler, mais d’un échange anecdotique indirect où chacune des femmes partage ses aventures, ses envies et ses fantasmes. Question poésie, l’autrice offre une belle palette émotionnelle aussi crue que profonde ainsi que des réflexions fortes sur la réalité maternelle. Elle jongle avec le devoir qu’implique être une mère tout en soulignant en caractère gras la sexualité de celles-ci ainsi que les enjeux que cela implique.

Par contre, si l’on tourne la médaille de l’autre sens, il peut arriver de perdre le fil dans ces flots émotifs, car le texte nous donne peu de repères afin de se retrouver. La poésie est, bien sûr, un genre d’écriture plus abstrait, n’empêche qu’un peu de cohésion et une ligne directrice restent importants. Sans dire que la pièce ne fait aucun sens, certains passages demandent un peu plus d’effort afin de s’y retrouver. Ceci dit, ne cherchez pas le sens à tout prix. Il est plus avisé de simplement se laisser transporter par l’émotion que ces femmes désirent transmettre, car il y en a un paquet.

Comme public, on se sent impliqué dans un ouragan de sentiments et de pensées. Il vaut donc mieux se laisser submerger par la vague déferlante de sentiments, d’angoisses et de désirs car tel est l’essence de M.I.L.F.  : un cri du cœur qui cherche à rappeler que, lorsqu’on devient mère, on ne cesse pas d’être femme, malgré qu’aux yeux de certains ( voire beaucoup ) d’hommes cela n’est malheureusement pas le cas. Tout cela pour dire qu’il est intéressant d’entrecroiser poésie et théâtre, mais qu’il n’est pas aisé de le faire. Le résultat n’est pas parfait, certes, mais mérite qu’on se penche dessus.

Une mise en scène dénudée

Question mise en scène, le spectacle est également monté de façon non conventionnelle. Comme de raison, tous les changements sont fait à vue de tous, une pratique qui est plus courante aujourd’hui mais qui reste hors-norme. Dans le cas présent, ce choix met en écho l’idée de mise à nu et d’exposition directe que projette le spectacle. Le décor est assuré par un arsenal d’éclairages portatifs que la troupe a su utiliser, de façon générale, d’une manière ingénieuse et pertinente.

Toutefois, certains choix de mise en scène restent discutables, dans le sens qu’ils ne rajoutent rien comme tel à l’ensemble du spectacle. À défaut de donner des exemples par souci de garder la surprise, vous pourrez constater par vous-même. Les choix techniques, quant à eux, donnent pour effet de briser l’immersion que l’on recherche habituellement au théâtre, ce qui finit par être déstabilisant sans gâcher l’ambiance pour autant. Le point le plus positif de la mise en scène réside dans la façon dont la troupe s’y est prise afin de générer les différents lieux, car il n’est pas aisé d’insuffler la vie à un décor rempli de fils et de lumières. La trame sonore apporte également une couleur aux textes et vient aider à rendre le tout plus vivant.

Mention spéciale aux trois comédiennes qui ont su donner vie à un texte aussi abstrait. Il est ardu pour tout comédien de rendre à un tel matériel une dimension humaine. On peut vraiment dire qu’elles ont un très grand sens théâtral.

En guise de fin, n’hésitez pas à vous procurer un billet si vous êtes à la recherche d’œuvres éclatées. Le message est fort et même si l’exécution n’est pas impeccable, le message reste poignant tout en soulevant des enjeux qui, de façon regrettable, n’a jamais été autant d’actualité.

Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 7 mars.

Crédits Photos : Valérie Remise