Hier soir au MTELUS, la chaleur accablante normalement si caractéristique du mythique endroit n’a pas eu les mêmes répercussions ; ce sont plutôt d’impressionnants frissons de satisfaction qui se sont emparé des corps entassés dans la salle comble grâce aux voix ahurissantes, enveloppantes et authentiques de Matt Holubowski et Dan Mangan.
En première partie, l’auteur-compositeur-interprète canadien Dan Mangan a rapidement séduit avec sa voix rauque nuancée de laquelle se dégageait des émotions pures. Seul sur scène, il connectait sublimement avec sa guitare acoustique qu’il exploitait habilement à son plein potentiel sous diverses inclinaisons de folk et de country. Celui qui a quatre albums à son actif s’est exprimé quelques fois en français avec un sourire sympathique tout à fait irrésistible. Son attitude posée et humble en délivrant ses réflexions sur la routine souvent ennuyante de la vie de famille, la dépendance aux technologies qui nous rend de plus en plus détachés et mornes et sur les amitiés inspirantes nous permettait de mieux s’investir dans le sens profond des paroles pour que les oeuvres trouvent réellement écho en nous. Dynamique lors des succès radiophoniques tels que Troubled Mind, le public et ses rumeurs bruyantes lors des morceaux plus lents malgré leur beauté manquait cruellement de respect. Comme le chantait Mangan sur Road Regrets : it’s a crying shame…
Près de 13 jours après la sortie de son nouvel effort intitulé Weird Ones, Matt Holubowski a amorcé la tournée du même nom avec une première montréalaise attendue et populaire. Assister à un spectacle de ce fascinant auteur-compositeur-interprète, c’est d’entrer dans une bulle atmosphérique planante. La communication entre l’artiste et le public se fait à travers les émotions produites par les mélodies savamment élaborées , les courts échanges anecdotiques étant davantage un accessoire et un signe de courtoisie. Pour une fois, les spectateurs s’avèrent réellement et entièrement respectueux et attentifs puisqu’ils sont emballés et revigorés par la poingante charge de beauté mélancolique et lumineuse servie. C’est exactement ce à quoi on a encore eu droit au MTELUS hier soir sous une jolie et petite lune de néon.
Weird Ones est un hommage avoué à l’étrangeté de l’être humain, à l’importance d’être unique et marginal. Cet album né de terribles noirceurs pour mieux céder à une lumière optimiste célèbre donc les personnes weirds sous diverses déclinaisons, autant dans la flamboyance que dans la timidité. Pour illustrer cette thématique de manière créative , Matt Holubowski a usé de contrastes sur plusieurs niveaux, notamment au chapitre de la scénographie. Au départ, elle était épurée, faisant une place de taille à une chandelle chaleureuse noire et blanche faisant penser au Yin et Yang. Au tiers du spectacle, après les mélodieuses et formidables Two Paper Moons et Down the rabbit hole, un tableau de tiges lumineuses fines s’est allumé pour ajouter du tonus et un effet de surprise réussi. Parallèlement, des solos musicaux plus rock de ce qu’on retrouve sur les disques ont ponctué la douceur du folk pour offrir une expérience merveilleusement unique.
Lorsque ces contrastes se mélangeaient à l’intérieur d’éclairages colorés et engageants, des prestations de grâce émergeaient et parvenaient à mettre l’accent sur la tessiture vocale d’Holubowski qui semble se dévoiler, s’épanouir et se réinventer de spectacle en spectacle. Des notes aigues d’une justesse épatante se faufiliaient à des moments imprévus, happant de plein fouet chaque fois, À travers un ordre de chansons équilibré parcourant judicieusement la discographie du chanteur, le concert a donné lieu à de nombreux instants d’exception tels que les titres Thoroughfare, mellifluousflowers, L’imposteur et Greener. Pour toutes ces raisons, nul besoin d’être un fan invétéré d’Holubowski pour se sentir interpellé et passer une soirée inoubliable. L’artiste sera d’ailleurs aujourd’hui à Québec et poursuivra sa tournée au Canada et en France en compagnie de premières parties différentes qui seront assurées par Elliot Maginot, Marie-Claudel, Dan Magnan et Marilyne Léonard.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média