Opéra et musique classique: la perte d’une grande dame

Nous avons appris ce week-end le décès de madame Jacqueline Desmarais, généreuse mécène, qui a permis à tant de chanteurs et musiciens de talent de percer sur la scène musicale et à l’opéra. Elle était âgée de 89 ans.

Née Jacqueline Maranger en 1928, cette ontarienne se destinait à une carrière dans les soins infirmiers, mais la vie lui réservait toute autre chose. En 1953, elle épousera l’homme d’affaires canadien Paul Desmarais, prenant ainsi le nom de son époux.

Dès 1981, elle soutiendra le Festival musical du Domaine Forget dans Charlevoix. En 1984, elle se joint au conseil d’administration de l’Opéra de Montréal. En mai 1989, elle fonde la Guilde de l’Opéra de Montréal et lui verse un don de 100,000$

En 1997, Mme Desmarais crée une fondation pour soutenir de jeunes chanteurs d’ici.  Les Québécois Marc Hervieux, Marie-Josée Lord et Julie Boulianne sont de ceux qui en ont profité.

En 2004, elle donne son soutien  financier à l’Orchestre symphonique de Montréal et à l’Orchestre Métropolitain. Elle joindra le conseil d’administration du Metropolitan Opera de New York en 2007.

Grâce à elle, le jeune chef d’orchestre montréalais Yannick Nezet-Séguin fait ses débuts au Metropolitan Opera en 2009 en dirigeant  l’opéra Carmen de Bizet. Madame Desmarais commandite alors cette nouvelle production du MET. C’est un triomphe! Son protégé retournera à la direction d’orchestre au MET à plusieurs reprises. Il sera nommé directeur musical  de cette grande maison d’opéra en 2016.

Yannick Nezet-Séguin et Jacqueline Desmarais

photo ©Yannick Nezet-Séguin

Lors de sa construction, la Maison symphonique de Montréal s’est dotée d’un orgue de quelque 6490 tuyaux. En 2014 le Grand Orgue Pierre-Béique est inauguré. La construction de cet instrument exceptionnel par la Maison Casavant de Saint-Hyacinthe a été entièrement financée par Jacqueline Desmarais. Le coût de cette entreprise s’élève à près de 5 millions $.

Grand Orgue Pierre-Béique / Maison symphonique de Montréal

photo ©Casavant frères

Son implication ne se limite pas au domaine artistique. Madame Desmarais était aussi très engagée dans la communauté, entre autres pour La rue des Femmes de Montréal, organisme qui offre de l’hébergement d’urgence aux femmes itinérantes, ainsi qu’au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

La notoriété de madame Desmarais dépasse nos frontières et trouve écho jusqu’en Europe. Parmi les reconnaissances reçues, nommons:

  • L’Ordre du Canada (1999 et 2013);
  • Le Mérite philanthropique 2002 de la Chambre de commerce du Québec;
  • Hommage de la Fondation de la Place des Arts (2011);
  • L’Opera Canada Award (2011);
  • La Légion d’honneur de la France (2011);
  • L’Ordre national du Québec (2012);
  • Prix pour contributions exceptionnelles aux arts au Canada et aux États-Unis du Council for Canadian American Relations (2014).

En entrevue à La Presse canadienne, Yannick Nezet-Séguin a raconté qu’au fil du temps, la mécène était devenue son amie : « Passer du temps avec Mme Desmarais, c’était passer du temps avec quelqu’un d’une grande sagesse et d’une grande expérience, mais elle était aussi la dame la plus jeune et la plus énergique que je connaissais. On dit souvent que j’ai beaucoup d’énergie, mais Mme Desmarais en avait plus que moi ». Il ajoute « L’émotion avec laquelle elle vivait la musique, c’était un exemple pour nous tous, et c’est ce qui faisait qu’elle savait déterminer le talent, l’électricité, l’étincelle et la passion. Elle savait déceler tout ça chez les jeunes musiciens. »

Madame Jacqueline Desmarais laisse dans le deuil ses enfants Paul Jr, André, Louise et Sophie, ainsi que de nombreux ami-e-s et artisans du monde de la scène, de l’opéra et de la musique.

Photo principale en entête: ©Hugo-Sébastien Aubert, La Presse