Comme premier spectacle de clôture de la trentième édition des FrancoFolies de Montréal, les festivaliers ont eu droit à un hommage à Jacques Higelin, auteur-compositeur-interprète français décédé en avril dernier. Mis en scène par la comédienne Salomé Corbo, ce spectacle de plus de 90 minutes qui réunissait Yann Perreau, Catherine Major, Hubert Lenoir et Anna Frances Meyer du groupe Les Deuxluxes a visé dans le mile à tous les niveaux.
Contrairement au concert honorant André Mathieu (notre critique est disponible ici) qui avait lieu le 14 juin , les artistes derrière l’œuvre Tombés du ciel : un salut au grand Jacques Higelin étaient conscients que cet hommage devait représenter la personnalité de l’homme honoré tout en s’adressant à un public peu familier avec sa carrière. Le spectacle s’est donc avéré être un fabuleux outil de découverte autant pour les spectateurs que pour les concepteurs. Titres de chansons sur l’écran principal, images d’archives, enregistrements audio d’entrevues permettant de mieux comprendre les idéologies politiques, familiales et artistiques de l’artiste …Tous ces procédés ont rendu le spectacle plus accessible et vivant. Ce nécessaire volet didactique n’a jamais été assommant, bien au contraire. Il permettait de mieux embarquer dans l’univers rock, poétique et farouchement libre du père d’Arthur H, artiste français présent sur place qui a également offert un spectacle aux Francos.
Yann Perreau, qui a eu la chance d’assurer les premières parties de quelques concerts de Jacques Higelin au début des années 2000, tenait à présenter un spectacle spontané qui ne transpire pas la surabondance de répétitions, qui embrasse sans gêne les imprévus techniques et qui s’adapte aux réactions du public afin d’être véritablement ancré dans l’instant présent. C’est exactement ce qui s’est passé. Débutant la soirée en sortant le champagne, l’auteur-compositeur-interprète a lâché son fou. Il se promenait d’un bout à l’autre scène, cajolant ses camarades avec tendresse. Il a célébré la vie de Higelin plutôt que de pleurer sa mort. Des vocalises improvisées avant le titre Champagne jusqu’à l’émotion sensible de Y’a pas de mots, celui qui se produira à l´International de Montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu le 13 août a offert une performance scénique des plus épatantes.
Alors que l’hommage à Luc Plamondon qui a suivi enchainait les performances solos, Tombés du ciel a offert plusieurs savoureux duos à commencer par la magnifique chanson Cet enfant que je t’avais fait écrite en collaboration avec Brigitte Fontaine. Dos à dos, Catherine Major et Yann Perreau ont incarné avec brio la déchirure romantique à la française. Juste assez psychédélique et torturée, le numéro a coupé le souffle grâce à sa mise en scène à la fois simple et ingénieuse. Yann, l’amoureux repenti, qui cherche à tout prix le regard de sa belle Catherine qui, elle, sensuelle et mystérieuse, lutte de toutes ses forces pour fuir ses sentiments. De toute beauté.
Lauréat du Prix Félix-Leclerc, Hubert Lenoir a enflammé la scène avec son exubérance déjà légendaire. Se tortillant et se déhanchant érotiquement avec une aisance admirable, le jeune de chanteur de 23 ans a craché du champagne a la foule, liquide qui s’est davantage retrouvé sur les appareils des photographes placés à l’avant-scène. Espérons que Lenoir limitera un peu ses excès avec le temps! Aussi, même s’il a gagné la ferveur du public et que les chansons lui collaient à la peau, c’était dommage de le voir lire les paroles de Boxon. L’hommage a beau prôner l’improvisation, il y a quand même une certaine ligne à ne pas franchir…
Tandis que les angéliques notes qui s’échappaient avec fougue et élégance du clavier de Catherine Major, qui elle-même possédait une voix suave et mélodieuse, Les Deuxluxes ont offert une performance explosive avec Trois tonnes de TNT. Ressemblant à Lady Gaga avec ses cheveux roses, son costume à franges et ses bas résille, Anna Frances Meyer a épaté avec sa puissante voix raque qui n’est pas sans rappeler celle de Beth Ditto de l’ancien groupe Gossip. Un autre moment énergisant fut la présence de Jim Zeller et de son harmonica déchaîné.
Le spectacle a prouvé que , parfois, il vaut mieux montrer sa passion débordante pour la musique de manière imparfaite plutôt que de ne pas déborder du cadre. Qui plus est, le plaisir ressenti y est même décuplé! Bref, gageons que Jacques Higelin, bien emmitouflé sur un nuage moelleux avec un verre à la main, a souri en voyant ce spectacle sincère et décalé qui lui apportera vraisemblablement d’autres admirateurs.
Crédits photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média