Après sept saisons d’Unité 9, est-ce que Danielle Trottier avait encore dans le ventre des personnages aux destinées bouleversantes? Les trois premiers épisodes de Toute la vie dévoilés aux médias la semaine dernière le confirment. Même s’ils partagent le même réalisateur (Jean-Philippe Duval), la même case horaire (mardi, 20h00) et exploitent des thématiques lourdes mais nécessaires, Toute la vie ne profite pas sournoisement de la popularité d’Unité 9 et ne se moule pas à l’intérieur de codes semblables.
La série démarre avec une scène d’une profonde intensité qui happe d’emblée : une adolescente enceinte d’une vingtaine de semaines saigne abondamment et ne sait comment gérer sa douleur. L’école Marie-Labrecque, qui abrite une soixantaine d’adolescentes enceintes ou jeunes mamans âgées entre 12 à 17 ans, est alors en commotion. En moins d’une minute, les spectateurs ressentent la détresse, l’injustice et le chagrin que vivent au quotidien ces jeunes femmes et leur entourage.
Étrangement, cette tension dramatique descend si rapidement et abruptement que la présentation des protagonistes qui s’en suit subit des ruptures de ton qui entrainent quelques lenteurs. L’équilibre entre les intrigues et le temps d’antenne des personnages se construit un peu trop tranquillement, mais c’est pardonnable lorsqu’une série est confinée à un format annuel de 24 épisodes. Ce l’est d’autant plus dans ce cas-ci car Danielle Trottier décline avec brio diverses réalités liées à sa thématique principale, soit les grossesses chez les adolescentes. Grâce à un fin souci de représenter authentiquement la diversité ethnique, corporelle et sociale de la Métropole, l’autrice surprend et pousse les spectateurs à se questionner sur leurs propres réactions et à remettre en cause leurs jugements de valeur.
Au cours des trois premiers épisodes, deux futures mères s’accaparent principalement l’attention de la directrice de l’établissement (Tina Carpentier-Trudel interprétée avec aplomb par Hélène Bourgeois-Leclerc) et du nouveau psychoéducateur (Christophe joué par un Roy Dupuis mystérieux qui s’accapare avec brio de ses imperfections) : Anais et Edwige. La première, en couple avec un ado de 17 ans alors qu’elle en a que treize, fugue chez sa sœur à Montréal dans l’espoir d’être admise à Marie-Labrecque ( qui s’inspire d’ailleurs d’une vraie école, Rosalie-Jetée) et ainsi éviter l’avortement que toute sa famille lui suggère ardemment, surtout Rodge (Emmanuel Bilodeau, d’une rare cruauté), son père. La deuxième, trop avancée dans le deuxième trimestre de sa grossesse pour se faire avorter, tente par tous les moyens d’éviter l’accouchement, elle qui se sent incapable d’élever un enfant alors que ses parents sont récemment décédés et que sa tante l’a jetée à la rue. Elle va même jusqu’à maudire les mouvements de son bébé et les percevoir comme d’atroces douleurs.
Grâce à une réalisation dynamique parfaitement appuyée par une trame sonore qui rejoindra les adolescents (on passe à du Billie Eilish à du Koriass avec pertinence), toute la famille finira par se sentir confrontée par ces histoires d’adolescents qui, malheureusement, s’inspirent de réalités de plus en plus fréquentes. Si les dialogues, au premier épisode, manquent quelque peu de naturel dans la bouche des adolescents, le tout se replace assez rapidement et excusent quelques inégalités au niveau du jeu des jeunes acteurs qu’on découvre toutefois avec ravissement. Danielle Trottier est véritablement sur la bonne voie, encore une fois, pour conscientiser les gens sur un fléau de société.
Crédits Photos : Véronique Boncompagni, Ici Radio-Canada Télé