2018 marque le cinquantième anniversaire du décès du pianiste québécois André Mathieu. Celui qui a été baptisé le Mozart canadien a toutefois vu sa chute dans l’alcool et la dépression le faire sombrer dans l’oubli de la mémoire collective. Cette injustice, le grand Alain Lefèvre se bat depuis 40 ans pour l’atténuer. Furieux qu’aucun hommage en son honneur ne soit en préparation cette année, il a, dans le cadre de discussions improvisées, entrepris des démarches avec Laurent Saulnier des Francos de Montréal. Cela a donné lieu, jeudi soir dernier à la Maison Symphonique de la Place des Arts, à un spectacle musicalement sublime mais qui semblait forcé.
Le but de cette soirée était clairement de faire découvrir André Mathieu à une nouvelle génération et d’inciter les gens à ne pas oublier son importance dans notre culture. Malheureusement, ce n’est pas ce genre de soirée qui va apporter au pianiste patriotique la reconnaissance qu’il mérite. Il se dégageait du concert une ambiance froide dépourvue de magie. Il n’y avait pas réellement d’enchaînement entre les numéros chantés (aucun en groupe, ce qui est fort dommage) et les scènes de ballet magnifiquement dirigées par Jean-Philippe Tremblay.
L’animation hilarante mais parfois décousue de Marc Labrèche, un grand complice d’Alain Lefèvre et qui a interprété le père d’André Mathieu dans le film L’Enfant prodige de Luc Dionne, se voulait didactique. Le talentueux comédien a présenté d’anciennes critiques encensant le don exceptionnel de l’enfant prodige. Il a aussi lu des lettres que ce dernier a écrite et qui ont donné froid dans le dos. Il a également abordé la façon ridicule que le Times a dépeint le Québec. Ce travail de recherches était très intéressant à découvrir. Par contre, le reste du spectacle suscitait de la confusion pour les néophytes en matière d’André Mathieu et de la musique classique en général. Le choix des chansons n’était pas expliqué. Pourquoi telle reprise au lieu d’une autre? Est-ce qu’André Mathieu aimait particulièrement cette chanson? Aucune réponse.
Le seul moment où les numéros ont été légèrement explicités a été celui mettant en scène la lumineuse Catherine Major au piano. Elle a offert Les chères main et Il pleure dans mon cœur, deux poèmes de Verlaine qu’André Mathieu a mis en musique. Sans contredit l’instant le plus touchant de la soirée. La voix cristalline empreinte de nuances de Catherine chavirait le cœur, rien de moins. Interprétant L’Enfant prodige qu’elle a écrite et Si tu crois, Diane Dufresne a également transporté le public dans un merveilleux voyage avec sa voix puissante et mélodique qui crée inexplicablement des sentiments déchirants.
Évidemment, le concert s’est conclu avec Le concerto de Québec livré par un Alain Lefevbre ému, ébranlé et intense. Il jouait en harmonie avec l’Orchestre de la Symphonie. Un moment de grâce qui, malheureusement, n’a pas atteint son apogée dans le contexte présenté.
Crédits Photos : Benoit Rousseau/Francos de Montréal