Être le fils de…

Dans ce billet, je ne m’indigne pas contre la victoire de Ludovick Bourgeois lors de la cinquième saison de La Voix, même s’il n’était pas mon choix. Je ne m’insurge pas non plus envers les gens du public qui ont voté en majorité (plus de 50% des voix) pour lui. Tous les goûts musicaux se valent, on l’a bien vu pendant le concours avec la présence du chanteur heavy metal Louis-Paul Gauvreau. Je ne m’épanche pas sur le manque de réaction de Ludovick, comme s’il savait déjà depuis belle lurette qu’il était l’élu. Dans ce billet, je m’interroge plutôt sur l’immense place que cette téléréalité en particulier accorde aux liens familiaux que partagent certains candidats avec un artiste déjà établi au Québec.

En effet, le problème ne s’avère pas que Ludovick Bourgeois ait gagné La Voix, surtout car le jeune homme sait très bien chanter, mais bien que le concours ait davantage insisté sur le fait qu’il soit le fils de Patrick Bourgeois au lieu de démontrer son identité artistique propre. Lors de chacune des apparitions  de Ludovick Bourgeois, l’émission s’empressait de souligner à gros traits au moins une fois que Ludovick est le fils du chanteur des BB. C’était d’ailleurs toujours la première caractéristique servant à introduire le chanteur au public.

Pourquoi était-ce si nécessaire de le mentionner ad vitam aeternam? Cela donnait l’impression qu’il s’agissait de la seule issue pour que le gars de 24 ans entre dans le cœur des spectateurs jusqu’à la grande finale. Dès sa prestation aux auditions à l’aveugle, certains internautes ont prédit son sacre car il avait interprété une chanson des BB en l’honneur de son père qui se bat présentement contre la maladie. L’émotion est toujours un bonus. En plus, il est beau et charismatique. Situation touchante. Talent. Beauté. Tous les éléments garantissant un succès commercial. La même chose s’était produite en 2015 avec la consécration de Kevin Bazinet, frère de Bobby Bazini. À mon humble avis, cette formule ne repose pas suffisamment sur le talent brut de l’interprète. Elle agit comme un coussin de sureté pour assurer un couronnement prévisible et sans risque.

Tout au long de la compétition, je n’ai pas eu la sensation de découvrir la saveur particulière de Ludovick. Je sais qu’il joue habilement de la guitare et qu’il aime les pièce pop rock. D’ailleurs, le chanteur Patrick Monahan du groupe Train l’a invité prochainement sur scène pour chanter Drops of Jupiter qui lui a permis d’accéder à la finale. Mais quel est l’univers véritable de Ludovick Bourgeois? Quels sont les thèmes qu’il privilégiera? Ce n’est pas normal qu’on doive attendre la sortie de son album pour répondre à ces questions alors qu’on connait déjà le style de prédilection des autres finalistes. Évidemment, tout artiste évolue et rien n’indique que les concurrents vont poursuivre leur carrière dans les genres qui leur ayant permis de se hisser une place de choix dans le concours. Néanmoins, mon réflexe premier lorsque quelqu’un me demande  qui est Ludovick Bourgeois, c’est de dire qu’il est le fils de Patrick Bourgeois. Mauvaise foi de ma part ou conséquence directe du ‘’lavage de cerveau’’ prodigué par la stratégie publicitaire de La Voix? Qui sait? N’empêche que tout cela me laisse un goût amer en bouche…Et je ne crois pas être la seule à se sentir ainsi.

https://www.youtube.com/watch?v=m26yEL8v77g

Peut-être aussi que certains spectateurs souhaitaient qu’Éric Lapointe remporte enfin une édition. Je suis contente pour cet excellent coach, mais on ne consacre pas un mentor ayant déjà une faste carrière mais bien un chanteur amateur pour l’aider à se bâtir la tienne.

La Voix reviendra l’an prochain pour une sixième saison. D’ici là, les huit finalistes de la cinquième édition se produiront dans un spectacle qui sillonnera les festivals tout au long de l’été.

Crédits Photos : TVA/ OSA Images