Basé sur le roman best-seller d’Ann Patchett qui s’inspire lui-même d’une prise d’otages ayant eu lieu à l’ambassade japonaise du Pérou en 1996, Bel Canto du réalisateur Paul Weitz (Grandma, In good company, About a boy) tente de comprendre comment des gens subissant une situation terrifiante développent des valeurs humaines insoupçonnées. Malgré toutes les bonnes intentions derrière le scénario, le potentiel psychologique et social de l’œuvre se noie à l’intérieur de romances insipides, de morales fades et d’intrigues invraisemblables qui nous font pouffer de rire pour les mauvaises raisons.
Le vice-président Ruben Ochoa ( J. Eddie Martinez) reçoit, dans son manoir d’Amérique du sud, quelques dignitaires et ambassadeurs locaux pour célébrer l’anniversaire du riche homme d’affaires japonais Katsumi Hosokawa (Ken Watanabe). La soprano américaine de renommée mondiale Roxane Coss (Julianne Moore), dont Hosokawa est un fervent admirateur, participe également à la fête privée qui tourne au vinaigre lorsqu’une guérilla envahit la maison afin de forcer la libération de certains de leurs camarades emprisonnés. Le négociateur de la Croix Rouge Joachim Messner (Sebastian Koch) fait tout ce qui est en pouvoir pour libérer les victimes, chose qui lui prendra près d’un mois. Pendant ce temps, des amours et des amitiés improbables se forment dans un climat étrangement féerique pour la gravité de la situation.
C’est exactement là que réside la plus grande lacune de Bel Canto. Les spectateurs sont censés assister à l’horreur, à la peur et à l’inconnu qu’entraîne une prise d’otages. Or, après quelques jours de crainte, les victimes semblent se la couler douce dans leur grande chambre, en jouant aux échecs ou en s’occupant tranquillement de l’aménagement paysager. Tout le monde rit et se fait des câlins. La morale est trop exagérée pour qu’on y croit. Il manque de tensions et une atmosphère inquiétante. Paul Weitz filme mécaniquement en offrant peu de plans variés.
De plus, le script exploite des avenues intéressantes avant de les délaisser complètement sans aucun dénouement. Par exemple, la bande-annonce, l’affiche et le synopsis appuient ardemment sur le fait que Roxane Coss, grâce à la beauté de sa voix, apportait espoir et réconfort tout en favorisant l’ouverture d’une dialogue entre les soldats et les dirigeants. Or, on n’y adhère pas une seule seconde! Il existe seulement une scène où on voit Coss pousser la chansonnette, toute seule sur un balcon. Quelques personnes pleurent, les médias en font leurs choux gras un bref instant, et ensuite, plus rien! Actrice pourtant jamais médiocre, Julianne Moore se heurte ici à des failles considérables. Faute d’avoir un dialogue consistant à se mettre en bouche, elle se perd dans des torrents de larmes risibles. Même si elle est une actrice caméléon, elle ne pouvait évidemment se métamorphoser en soprano par magie! C’est donc la chanteuse Renée Fleming qui lui prête sa voix pour les numéros musicaux. Malheureusement, la synchronisation labiale de Moore laisse à désirer. Lors de la scène finale, elle surjoue moins et parvient à offrir quelques tristes nuancés à la caméra, mais ce n’est pas suffisant pour oublier qu’il s’agit d’un rôle décevant.
Les histoires d’amour plaquées et sans âme donnent également du fil à retorde aux autres comédiens qui ne parviennent pas à trouver le ton juste. Les personnages deviennent rapidement plats et sans intérêt car le scénario, en plus de ne jamais trouver sa ligne conductrice, se contente de faire raconter aux personnages quelques pans banals de leur passé pour donner une impression d’attachement, mais on ne rentre jamais dans des états émotifs sincères qui nous font croire à la situation.
Bref, Bel Canto avait tout le potentiel pour être un film haletant et inspirant, mais il se classe plutôt dans la catégorie du téléfilm tourné sans magie qui se laisse regarder mollement lors d’une journée à la température maussade.
Bel Canto, à l’affiche en version originale anglaise au Cineplex Forum dès le 26 octobre.
Crédits Photos : TVA Films