Che Malambo, c’est plus que douze hommes sur scène qui font des claquettes et jouent du tambour. C’est un duel des sens. Les prouesses physiques et l’intensité des danseurs sont tout à la fois déroutantes et hypnotisantes. La troupe était de passage, hier soir, à la Place des Arts, et ils se sont mérité une ovation debout du public montréalais qui avait bravé la tempête de neige pour venir les voir. Le chorégraphe Gilles Brinas, qui dansait auparavant pour le Ballet de l’Opéra de Lyon en France, signe cette production qui marie deux genres si différents mais au résultat surprenant.
Le Malambo, un cousin du Tango, est une danse folklorique d’Amérique du Sud dont l’origine remonte au 17e siècle. Au départ, il s’agissait d’une danse individuelle créée par les «Gauchos», ces cowboys solitaires qui gardaient les troupeaux de bétail dans les plaines. C’est à l’aide de «bombos», des tambours faits de bois et de peaux, et de «boleadoras», des lassos équipés de petites boules de bois aux extrémités, qu’ils effectuaient leur travail. Jusqu’au jour où le tambour et le lasso ont cessé d’être des outils de travail et sont devenus des instruments de musique. Aujourd’hui, le Malambo est une danse où s’affrontent deux hommes, parfois plus, dans un duel de force et d’habilité où le rythme des boleadoras et des bombos les complimente à merveille.
Dès les premières minutes, Che Malambo nous en met plein la vue par son intensité alors que les artistes frappent le sol de leurs pieds chaussés de bottes noires. Ils s’affrontent du regard et bombent le torse, tandis que l’un d’entre eux les accompagne d’un bombo. La tension est palpable dans la salle. Nous sommes subjugués.
Plus tard, le public est pris par surprise lorsqu’un des danseurs, Fernando Castro, apparaît pieds nus sur scène avec une guitare entre les mains. Il est peu à peu rejoint par le reste de la troupe, et leurs mouvements sont lents, leurs pieds glissent et touchent légèrement le sol. Le résultat laisse perplexe et les quelques notes de guitare répétées en boucle deviennent vite répétitives. C’est une danse presque léthargique, une pause dans ce spectacle où l’adrénaline est constamment à son apogée. Que l’on aime ou non ce numéro surprenant, on se doit de souligner ici le niveau de difficulté imposé aux artistes, tout particulièrement Fernando Castro qui devait danser et garder le rythme avec sa guitare.
La prestation la plus impressionnante revient au virtuose Walter Kochanowski, qui a su faire tourner deux boleadoras dans les airs à une vitesse presque surhumaine. Il a même réussi à en faire tournoyer un avec sa bouche ! Il a ensuite accompagné le reste des danseurs pour le numéro final, alors qu’ils ont tous fait tourner des boleadoras lors d’une des chorégraphies les plus complexes du spectacle. La rapidité et la précision des mouvements de toute la troupe étaient admirables, et l’on pouvait voir sur leurs visages combien ils étaient heureux et fiers du résultat alors que la foule les acclamait.
Che Malambo sera ce soir au Centre national des Arts à Ottawa, et la troupe poursuivra ensuite sa tournée nord-américaine au Joyce Theater de New York.
Crédits Photos : chemalambolive.com