Disponible depuis le 7 mai sur Club Illico, Rue King est une sitcom entièrement improvisée, une première au Québec. D’une durée de 10 épisodes de 30 minutes tournés en moins de cinq jours, cette adaptation de la série allemande Schiller Street arrive à point nommé dans notre paysage télévisuel qui a bien besoin de gaieté et de spontanéité.
Le concept est bien simple : devant public, des acteurs pros de l’improvisation jouent chaque scène qu’en une seule prise tout en se faisant guider par un maître du jeu, Stéphane Bellavance, qui leur indique dans une oreillette des contraintes farfelues et déstabilisantes ayant pour but de pimenter les intrigues.
L’histoire se déroule sur la Rue King à Sherbrooke dans un condo situé au-dessus d’une café et d’une buanderie. L’appartement est loué par deux étudiants universitaires campés par Pier-Luc Funk et Marie-Ève Morency et une nouvelle colocataire, une femme de 42 ans récemment divorcée jouée par Sophie Cadieux. Se greffent autour d’eux d’autres personnages récurrents comme le propriétaire (Stéphane Crête), la mère de Pier-Luc (Sylvie Moreau), le meilleur ami de Pier-Luc qui en pince secrètement pour Sophie (Mehdi Bousaidan) ainsi que des invités surprises dont Julien Lacroix et Marie-Soleil Dion.
Même si les règles du jeu sont bien expliquées , le premier acte de l’épisode 1 agit comme une période d’ajustement pour bien s’acclimater à l’atmosphère sitcom tournée en studio et devant public. Il ne faut par contre pas beaucoup de temps pour s’attacher aux protagonistes et réaliser que bien peu de blagues tombent à plat même si elles n’ont pas été scénarisées ni répétées. Malgré quelques petites incohérences et certains clichés poussés à l’extrême, Rue King s’avère être une comédie bien rythmée et divertissante qui connait bien ses limites. La saison, beaucoup trop courte, se dévore en un rien de temps!
Le choix de Stéphane Bellavance en maître du jeu allait de soi, lui qui a déjà animé une émission similaire sur les ondes de VRAK, Arrange-toi ça, dans laquelle il donnait des indications saugrenues à des gens du public pour créer des situations embarrassantes. Le comédien, parfaitement à l’aise et convaincant dans ce rôle, est persuadé que cette émission a d’ailleurs été une excellente école pour lui. «Arrange-toi avec ça a été une magnifique répétition pour Rue King. Une fois installé à ma console sur le plateau de Rue King, je me sentais confortable. C’était comme retrouver un vieux jouet avec lequel on a joué pendant son enfance! » nous a-t-il confié en entrevue.
L’animateur a apporté son grain de sel aux scénarios en compagnie du producteur au contenu Vincent Bolduc. «Quand on s’assoit pour imaginer ce qui va se passer sur Rue King, on tente de trouver un maximum d’issues possibles pour une même situation. Même si on croit avoir tout prévu, les acteurs réussissent à nous surprendre en allant sur une piste qu’on n’avait même pas soupçonnée! »
On pourrait croire que les revirements de situation causés par les acteurs pourraient frustrer les producteurs qui doivent revoir une bonne partie de leur plan, mais Stéphane Bellavance est plutôt de l’avis contraire. «C’est la plus belle surprise de ce tournage! On en est venu à souhaiter que les acteurs nous surprennent. C’est devenu super grisant d’être sur la corde raide et de devoir s’ajuster au fur et à mesure de la soirée. On sent qu’on est sur notre X quand ça se passe.»
Il faut dire que les acteurs sélectionnées sont effectivement sur leur X sur un plateau prônant l’improvisation, spécialement Marie-Ève Morency qui est la véritable révélation de Rue King. Leur sens de la répartie, leur vitesse d’esprit et leur capacité à faire des références sur les épisodes précédents pour déclencher plus de rires impressionnent. Il est difficile de savoir quand ils se sentent véritablement déstabilisés intérieurement. Les décrochages ne sont pas nombreux, et quand ils surviennent, ils sont absolument craquants, surtout ceux de Pier-Luc Funk. «Les ouvertures de scènes m’ont le plus surpris. Une fois qu’ils sont installés dans le décor, je les vois regarder autour pour trouver un accessoire qui pourrait être utile ou faire un clin d’oeil à leur partenaire parce qu’ils viennent de penser à un gag, tout ça pendant les quelques secondes qui précèdent le début de la scène.»
Bellavance est tellement épaté par le talent de ses collègues qu’il ne peut s’empêcher de rire de bon cœur au rythme des réactions du public. «Je n’en reviens tout simplement pas de leur grande capacité à réagir à la seconde où je donne une indication. Tout ce qu’on attend des improvisateurs, c’est de l’ouverture, et ils nous l’offrent à tous les instants.»
Pour le moment, impossible de savoir si Rue King reviendra pour une seconde saison. Tout dépend de l’intérêt des téléspectateurs abonnés à la plateforme Club Illico. Avec la pandémie et la suspension des tournages, peut-être que TVA diffusera certains de ses titres exclusifs du Club Illico pour pallier aux manques dans sa grille horaire, ce qui permettrait à la série de toucher un peu plus large public et ainsi bonifier ses chances d’être reconduite. Si tel est le cas, Stéphane Bellavance sait déjà comment se réinventer. «J’ai vu les acteurs se lancer des défis eux-mêmes en plus de mes indications alors je crois qu’ils sont capables d’en prendre. Je leur réserve quelques défis surprises!»
En attendant, l’artiste reprendra la barre du jeu-questionnaire Au suivant pour une sixième saison consécutive. Les tournages débuteront au mois de juillet sans public et tout en respectant bien sûr les consignes de distanciation sociale. Pour ceux et celles intéressés à s’inscrire, il est toujours possible de le faire en cliquant ici. Stéphane Bellavance est conscient que la pandémie changera à jamais le milieu culturel. « On mesure toute l’importance de notre travail. C’est dans ces conditions qu’on voit que ce qu’on fait sert à quelque chose. On n’est pas le remède, mais une sorte de baume qui aide à passer au travers.»
Crédits Photos : Ève B.Lavoie, Club Illico