Sous un ciel menaçant, l’auteure-compositrice-interprète Dominique Fils-Aimé a présenté aux festivaliers du FestiVoix de Trois-Rivières sa trilogie axée sur l’histoire afro-américaine, faisant plus particulièrement une place au dernier chapitre, Three Little Words, paru le 12 février dernier. Les spectateurs, nombreux malgré la température incertaine, ont été captivés du début à la fin même en étant majoritairement silencieux.
La raison de ce silence vient de la vedette de la soirée elle-même qui, lors de sa seule interaction avec le public après deux chansons, a avoué que, pour elle, la présence des gens est déjà des applaudissements en soi et que rajouter des applaudissements par-dessus d’autres, c’est trop. Dominique Fils-Aimé a également demandé aux festivaliers de sa douce voix charmante de ne pas être rebutés par le fait qu’elle ferme souvent ses yeux pendant qu’elle chante, car cela lui permet de mieux les voir. Pour elle, la musique est une question de fréquences qui nous traversent. C’est exactement cet état spirituel et cette libératrice communion qu’elle a divinement offerts pendant plus d’une heure truffée de transitions et de solos musicaux galvanisants.
Normalement vêtue uniquement de noir sur scène, l’interprète a aujourd’hui rajouté à sa robe noire une veste aux motifs printaniers de couleur turquoise, rose et jaune, une façon subtile d’illustrer l’espoir malgré la douleur et les injustices qui continuent de sévir, particulièrement lors de ce 1er juillet 2021 où les festivités de la fête du Canada sont assombries par les macabres découvertes faites dans des pensionnats autochtones. Cet espoir est d’ailleurs primordial dans la démarche de Dominique Fils-Aimé qui a débuté la soirée en déclarant : We are the light we’re looking for (Nous sommes la lumière que nous cherchons).
Ces doux mots encourageants ont flotté tout le long du concert à l’intérieur d’un smooth jazz nourri d’effluves soul, folk et R’n’B. Tout en ne tenant pas compte de la chronologie de ses albums, la candidate au Prix Polaris pour une seconde fois dans sa carrière a tout de même fusionné les opus Nameless, Stay Tuned! (lauréat d’un Félix pour l’album jazz de l’année en 2019 et du Juno de l’album jazz vocal de l’année en 2020) et Three Little Words pour que le concert conserve une trame narrative cohérente.
Consciente du contexte en plein air dans lequel elle se trouvait, Dominique Fils-Aimé a dérogé à certaines règles de sa bulle musicale en permettant aux gens d’un signe de la main d’applaudir après un solo particulièrement bien exécuté. Elle a également fait tôt dans le concert un medley des reprises contenues dans ses disques afin de faire embarquer l’auditoire davantage. C’est ainsi que Stand by me de Ben.E King a jailli dans une version minimaliste exaltante. Strange Fruit a pris la relève et a dévoilé toutes les nuances que la voix de Dominique Fils-Aimé possède. Ensuite, il a fallu un temps d’ajustement pour reconnaître la très populaire Feeling Good que Dominique Fils-Aimé a revisité d’une manière si inattendue au point de faire oublier l’originale.
Dominique Fils-Aimé carbure à l’intensité et aux routes rarement empruntées. Lors de son passage sur la Scène Hydro-Québec, elle a ébahi avec les modulations qu’elle réussit à donner à sa voix. Que ce soit par le biais d’envolées puissantes ou de frissonnants murmures, son registre vocal est directement relié à son cœur. Ça se sent par sa manière de livrer les textes avec une sérénité, une rage et une profonde soif de liberté qui ne peuvent plus être contenues.
Sur Big Men Do Cry, Dominique Fils-Aimé revendique le fait que, contrairement aux stéréotypes véhiculés dans la société, les hommes pleurent, et beaucoup. Alors qu’elle récitait les mots Cry me a river, cry me the sea, cry me an ocean, de délicates gouttes de pluie ont répondu à l’appel. Un moment unique qu’on n’aurait même pas su scénariser si on l’avait voulu.
Quelques temps plus tard, sans pluie, le spectacle a pris fin sous le signe de l’empathie avec le single Love Take Over qui a guidé les festivaliers vers leur maison avec un sentiment que le monde peut véritablement changer avec beaucoup d’amour, de volonté…et bien sûr d’espoir.
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Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média