Jusqu’au 31 octobre 2021, Sophie Cadieux présente à l’Usine C le solo théâtral Féministe pour Hommes. Adaptation approuvée du texte de la française Noémie de Lattre , ce spectacle aborde le féminisme de manière moderne et légère. On a eu la chance d’en parler avec Sophie Cadieux lors d’une répétition en compagnie de la metteuse en scène Alix Dufresne et de Rébecca Déraspe qui a traduit le texte.
Quand j’ai vu que le titre de la pièce est Féministe pour Hommes, je pensais à un manifeste pour les hommes, mais ce n’est pas ça du tout.
Non non, pas du tout. En France, il y a encore une grande hiérarchie sociale et cette idée-là était d’inclure Monsieur dans ces grandes discussions-là. Nous, ici, on garde le titre parce que c’est la pièce, mais on aime bien notre sous-titre Guide survie pour tous et toutes. C’est un moyen de vivre ensemble avec ce sujet-là parce qu’il ne fait pas qu’exister. Les femmes peuvent ben décider d’être chauve. C’est quelque chose qu’il faut suivre parce que, sinon, ça va être une bataille intemporelle et incessante et il faut que les femmes se mettent ensemble. Il faut savoir que cette idée n’est pas une leçon alors que le titre peut porter à ça. Dans cette idée-là, il n’y a pas qu’un féminisme et c’est ça qui est beau. On se rend compte qu’il y a plusieurs types de féminisme que l’on doit émerger. Ce texte-là est très drôle parce que c’est très déculpabilisant aussi.
En travaillant sur cette pièce-là, est-ce que ta vision du féminisme a changé ?
Oui, j’ai appris beaucoup de choses avec les textes comme le petit bout sur l’Académie Française. J’entendais parler de plus en plus à changer nos mots et tout ça, et c’est un exercice super intéressant, mais j’ai appris de respecter cette multitude-là, de ne pas hiérarchiser non plus le féminisme. J’ai appris des choses sur les règles et la violence obstétricale et toutes des choses comme ça. Puis, comme je suis mère d’un jeune garçon, ça m’amène aussi à me poser toutes sortes de questions sur comment je suis en train de lui enseigner le monde. On est dans une période où on veut être constamment bienveillant et on a le luxe d’offrir aux enfants beaucoup d’outils et tout ça, mais qu’est ce qui reste? Qu’est-ce que je fais de différent de mes parents? Est-ce je veux lui offrir des choix et ne pas lui dire comment être? C’est vraiment essayer de faire émerger une nature en lui donnant plus de possibilité.
Quand on pense féminisme, on pense immanquablement aux préjugés et aux clichés qui viennent avec …
C’est un humanisme qui est encore stigmatisé qui se fait beaucoup porter sur les réseaux sociaux. Les femmes qui prennent position vont être victime de beaucoup de violence sur les réseaux sociaux. Tsé on va dire à une femme qu’elle peut être cheffe d’entreprise, qu’elle peut aller au HEC, mais on dirait qu’il y a tout le temps une limite.
Dès qu’il y a une pandémie ou une crise, le féminisme est la chose qui est remise à neuf. La femme a toujours cette possibilité de perdre tous ses droits parce que c’est une arme de guerre, parce que c’est la reproduction… On a tout ça, mais pourquoi recommence-t-on tout le temps au début ? Oui, il y a toute une émancipation qui s’est fait dans les années 70-80 pour que les femmes sortent du poids de la domesticité mais, dans le fond, c’était pour qu’elles embrassent la nouvelle domesticité. Les femmes qui travaillent dans les CPE et qui font nos ménages, c’est une autre classe de femmes qui supporte et une autre classe de femmes qui s’émancipe encore une fois. On est en train de perpétuer les choses et ce sont encore des métiers très précaires. On n’a pas le mérite d’avoir de réponse, mais je pense que d’y réfléchir ensemble, ça peut faire une différence.
Est-ce que tu penses qu’il faut expliquer les clichés pour les diminués?
Rebecca disait justement que l’enseignement et le fait de nommer les choses quand elles sont différentes deviennent absurdes. C’est super quand tu ne dénonces pas les pratiques non-genrées chez les petits garçons et les petites filles, mais pourquoi tout le monde le reconnait au fond? Qu’est ce qui nous reste pour continuer à combattre ça?
Il y a beaucoup de sujets qui sont abordés. Comment vous avez travaillé le texte pour pas que le spectateur se perde dans tous ces sujets ?
TOUS les sujets sont abordés (rires)! Certains sujets sont à peine effleurés et peuvent durer 45 secondes alors que ça pourrait durer 25 heures s’il y avait de la nuance dans chaque sujet qui est abordé, fait qu’à un moment donné faut comme accepter qu’on survole tout. Ce petit sentiment final d’avoir été bombardé, d’avoir ri, d’avoir appris des affaires et de se tourner sur tout le sort des femmes dans le monde, c’est vaste. C’est ça qu’on veut partager. C’est toute la somme qui constitue l’individualité de tout ça.
Ce n’est pas ton premier solo théâtral, mais le premier qui mélange le stand-up. Comment te prépares-tu à ça?
Je suis encore dans l’apprentissage du texte, ça fait longtemps que je le lis. Je dirai qu’il y a comme une connivence très forte avec le public. C’est quelque chose que je vais vraiment découvrir les soirs où je vais être sur scène. Il y a ce souci-là de communiquer avec passion, de partager de l’information, mais de ne pas avoir un rôle de professeur. Je porte le texte, ce n’est pas comme une interprétation de la pièce 4.48 Psychose où je jouais une femme qui va être internée Là, c’est quand même Sophie, mais ce n’est pas moi qui a écrit la pièce, fait que je porte le texte, je le porte seule. Je peux être en accord ou non, vous n’avez pas à le savoir, mais j’essaie de partager les observations de Noémie vues dans la plume de Rebecca.
Le personnage s’appelle Sophie, mais, comme tu viens de le mentionner, ce n’est pas toi. Pourquoi vous avez décidé de l’appeler comme ça ?
Parce que ce n’est pas vraiment un personnage, c’est comme une suite de réflexions. Il y a comme une sorte de dualité, mais ce n’est pas moi qui a écrit, conc c’est sûr que je porte ce texte-là.
Lors de l’extrait présenté en répétition, on avait l’impression que tu jouais un personnage un peu plus jeune que toi.
C’est sûr qu’il y a comme une ferveur quand je m’emballe. Je fais moins mes 44 ans, mais j’ai une voix de chipmunk, fait que c’est sûr que ça monte mon énergie (rires)! Pour moi, le personnage n’a pas vraiment d’âge, c’est un moi avec des moments introspectifs et avec des moments de conviction. C’est une suite de petits tableaux qui va aussi faire le portrait d’une femme complexe comme la girouette mentale de ces femmes qui ont écrit et qui sont une multitude de choses. Des fois, c’est un déploiement du cœur, des fois c’est super militant. Des fois, on rit, mais il y a vraiment tout ce mélange.
Tu vas rejouer la pièce 4.48 Psychose. Tu combines donc les deux solos pratiquement en même temps.
Oui, je vais reprendre 4.48 Psychose en janvier en France et à Montréal en juin. À cause des remises théâtrales, ça va être une année extrêmement chargée. J’ai déjà annulé deux fois en Europe.
Tes derniers rôles à la télé(Lâcher Prise, Bête Noire et L’échappée) sont des femmes fortes et très différentes l’une de l’autre. Tu as intégré la distribution de L’échappée pour la sixième saison. Les spectateurs ne savent pas trop encore comment cerner le personnage de Maya Déry.
Je dirai que c’est justement une femme qui n’a pas les bons skills sociaux. Elle est bonne pour analyser, mais elle n’a pas l’aisance pour communiquer. Elle a un côté renfermé. Elle est mystérieuse un peu, à la limite asperger. Elle est dans son monde. Elle est dure, mais je pense que c’est parce qu’elle est malhabile avec le monde. L’inspecteur Bayeur (Chantal Fontaine) et Maya sont deux femmes qui ont des personnalités fortes, donc c’est sûr que ça va créer des flammèches mais en même temps une très bonne entente, car elles sont proches. C’est comme une bonne famille. Ce qu’elles ont de semblables va autant les rapprocher que les éloigner.
Féministe pour hommes partira en tournée partout au Québec plus tard en 2022.
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média