Le songe d’une nuit d’été : d’une sensualité irrésistible!

Jusqu’au 18 avril, le langage poétique de William Shakespeare habite délicieusement le Théâtre Denise-Pelletier avec l’adaptation de la célèbre pièce Le songe d’une nuit d’été. Cette énième revisite de ce classique réussit non seulement à éblouir à tous les points de vue mais également à démontrer toute sa pertinence en emmenant les thèmes dépeints à un niveau de réflexion supérieur.

Sous la gouverne de Steve Gagnon et Frédéric Bélanger, exit la forêt enchantée ; place aux années glamour de l’âge d’or du cinéma hollywoodien! À bien y penser, cette variante s’inscrit dans la logique des choses car il n’y a rien de mieux que Hollywood pour représenter les amours tumultueux, le rêve et la magie…Pendant 105 minutes sans intermission, le spectacle valse parfaitement entre la réalité et la fiction en assumant complètement sa douce folie enivrante. Les spectateurs sont d’office submergés dans une atmosphère amoureuse et érotique grâce aux choix scéniques de Frédéric Bélanger. Les mouvements chorégraphiés des acteurs, l’omniprésence d’une trame sonore à la fois vaporeuse et puissante, les robes somptueuses, les élégants habits…absolument tout séduit dès le premier regard!

Le cœur même du texte demeure inchangé même si les créateurs s’accordent beaucoup de liberté. La jeune Hermia (Gabrielle Côté), fiancée à Démétrius (Steve Gagnon), tente de s’enfuir avec l’homme qu’elle aime vraiment, le lumineux Lysandre (Hubert Lemire). Son amie Helena (Karine Gonthier-Hyndman), éperdument amoureuse de Démétrius, aident les amants maudits à prendre la poudre d’escampette. Par contre, ils n’avaient pas prévu les foudres du malicieux Puck (Dany Boudreault) qui leur jette impunément des sortilèges amoureux afin de plaire à son maître Obéron (Étienne Pilon). Ce dernier est trop entêté à faire souffrir son ancienne flamme, l’actrice sur le déclin Titania (Maude Guérin), qu’il ne réalise pas que son serviteur est fou de lui…Tous ces chassés-croisés amoureux se déroulent sous les yeux autant bien que malveillants de trois fées musiciennes (Adrien Bletton, Olivia Palacci et Jean-Philippe Perras).

Sans exagérer, Le songe d’une nuit d’été représente exactement ce qu’une relecture doit être. L’intemporalité des thématiques dégagées comme l’amour, la vieillesse, la démesure et les chagrins reçoivent un beau traitement contemporain et empreint d’affection face au texte original. Comme le dit si bien Puck au début du premier acte, il porte mal son nom s’il ne réussit pas à donner envie aux spectateurs de rêver et de s’aimer. Il porte magnifiquement son nom! Les joutes de colère maladroites et de confidences intimes passionnées que se livrent sans vergogne les personnages font fondre le cœur. Les insultes jouissives et les allusions sexuelles suscitent bien du bonheur et des rires francs.

Les interactions avec le public, les décrochages volontaires, les références directes à Maude Guérin pendant le spectacle s’avèrent de très belles trouvailles. Idem pour le décor rappellant un studio de tournage à Hollywood. L’écran géant qui diffuse des vidéos en coulisses et l’enseigne lumineuse dorée DREAM plongent davantage le public dans le contexte choisi. Malgré cette influence cinématographique et des emprunts à d’autres médiums, l’oeuvre demeure théâtrale. Le tout est parfaitement dosé.

La distribution excelle. Olivia Palacci démontre un potentiel comique rafraîchissant. En amoureuse naïve, Karine Gonthier-Hyndman affiche un charisme puissant. Sa voix aiguë n’agace pas, elle correspond au personnage. L’interprète l’incarne avec tant d’amour et de naturel qu’il en devient touchant. Dany Boudreault impressionne par sa désinvolture et ses déhanchements suaves. Fidèle à elle-même, la sublime Maude Guérin offre une performance nuancée qui vogue sans difficulté dans l’humour, la sensualité et la légère caricature.

Bref, si vous avez qu’une seule pièce à voir en 2018, Le songe d’une nuit d’été est une valeur sûre qui vous touchera et vous émerveillera!

Crédits Photos : Gunther Gamper