Samedi, le 24 septembre 2022, nous avons pu assister à la Première Mondiale de l’opéra canadien Backstage at Carnegie Hall, pour lequel nous devons la musique au compositeur canadien Tim Brady (1956-), et le livret à l’autrice canadienne Audrey Dwyer au magnifique théâtre Centaur dans le Vieux-Montréal. Cette œuvre met en vedette Ruben Brutus, Clayton Kennedy, Alicia Ault, Frédéricka Petit-Homme et Justin Welsh.
Instrumentalement, ils étaient supportés par Bradyworks Ensemble formé de Pamela Reimer, Tim Brady, Ryan Truby et Charlotte Layec, sous la direction de la cheffe Véronique Lussier. Backstage at Carnegie Hall, opéra de chambre est un opéra contemporain qui souligne différents aspects du racisme qui existaient déjà aux États-Unis autant qu’à Montréal et a une très haute échelle
L’opéra est en fait un voyage dans le temps qui début en 1939, alors que le fabuleux guitariste de jazz Charlie Christian (1916-1942) se prépare à entrer sur scène, mais est pris d’une crise de panique, il n’est plus certain s’il peut jouer aussi bien qu’il le devrait. Charles discute avec le chef du groupe instrumental, Benny Goodman (1909-1986) du concert qui doit bientôt débuter, mais aussi des différents problèmes que le racisme a sur leur vie respective. Il rencontre la Voyageuse temporelle, un rêve ou une réalité, qui lui propose le fameux voyage dans le temps, dont il n’est pas certain des effets, mais qu’il accepte tout de même d’effectuer.
Pendant ce déplacement, il rencontre des membres éloignés de sa famille qu’ils l’aident à comprendre et savourer la vie qu’il a devant lui. Un passage à 1932, où il arrive au Rockhead’s Paradise de Montréal où sa compagne de voyage l’introduit au propriétaire Rufus Rockhead devant qui Charlie panique encore lorsque vient le temps de faire valoir ses talents. Que se passe-t-il ? Il s’entend avec la Voyageuse pour continuer son voyage dans le passé, notamment en 1928 où il rencontre son père décédé, une rencontre positive pour Charlie. Nous le retrouvons par la suite en 1902 dans l’Atelier d’Orville Gibson, fondateur des guitares Gibson, où il est confronté aux opinions racistes du commerçant et joue un solo provoquant une gamme d’émotions chez celui-ci.
Nous voilà maintenant en 2014, lors d’une manifestation contre le profilage racial à Toronto, où une série d’événements de violence raciale se produisent. Un coup de feu est entendu et Charlie a peur d’avoir été atteint, mais heureusement il ne l’est pas, et notre duo continue son voyage. Il y fait la connaissance de la contralto noire et référence des droits civiques, Marian Anderson, qui lui fait part de tous ses problèmes raciaux, en même temps lui fait comprendre tout le bonheur que la musique lui apporte. Il fait face à plusieurs des personnages qu’il a rencontrés durant ce voyage. Ils se mettent à chanter la double face du racisme, les bons côtés de la musique, et l’espoir qu’elle apporte. C’est la fin du voyage et nous revoilà en 1939, alors que Charlie peut finalement jouer. Lors de sa discussion avec Benny, celui-ci lui présente deux de ses amis : Rufus Rockhead et Marian Anderson (1897-1993), venus souhaiter bonne chance au groupe. Il entre en scène définitivement plus sûr de lui.
Une interprétation très touchante de chacun des chanteurs. Des voix aussi magnifiques les unes que les autres. Il va de soi que chacun a reçu sa part d’ovation. Il faut souligner particulièrement la présence presque constante de Ruben Brutus et Alicia Ault, qui nous ont fait vivre une gamme d’émotions par leur interprétation de Charlie Christian et la Voyageuse temporelle.
Une première mondiale est toujours éprouvante pour les artistes mais aussi émouvante pour eux et pour le public qui n’a pas manqué de démontrer sa satisfaction. En espérant que cet opéra aura le succès qui est dû au compositeur et la librettiste.