Tableau d’une exécution ouvre la nouvelle saison 2026 du Théâtre du Rideau Vert avec un drame féministe. Inspirée de la vie d’Artemisia Gentileschi, l’œuvre de Howard Barker suit le destin fictif d’une peintre sans compromis. Une artiste rebelle dont l’esprit libre s’oppose au patriarcat.
Sur scène, Galactica est engagée par le doge de Venise pour réaliser une fresque épique de la bataille de Lépante. La commande est simple : célébrer l’éclatant triomphe de la coalition chrétienne face à l’envahisseur Ottoman. L’héroïsme militaire doit figurer au premier plan, sans s’embarrasser de détails sanglants. Mais contre toute attente, Galactica décide d’exposer l’horreur de la guerre plutôt que de la glorifier. Elle s’attire alors les foudres du pouvoir qui cherche à la museler, puis à la briser.
Tableau d’une exécution offre une réflexion aiguisée sur le monde de l’art. On entre ainsi dans l’antichambre de la création d’une artiste-peintre engagée dont le génie transgresse l’ordre établi. Jugée trop excessive, elle est confrontée au sexisme, à la censure ou encore la bienséance. Des conventions dont Galactica cherche à s’émanciper pour suivre sa propre voie. Rien n’a d’ailleurs vraiment changé, car au 16e siècle comme aujourd’hui, le boys club dominant refuse à la femme son statut d’égal.

L’art sans compromis
Sylvie Drapeau prête ses traits à la sulfureuse Galactica. Une fois encore, la comédienne joue une partition sans fausses notes, à la hauteur de son talent. Elle épouse toutes les aspérités de son personnage, jouant de son corps autant que de sa voix. Quant à son regard, tantôt tendre et enfiévré, il en explore l’âme tourmentée où le génie frise souvent la folie. Drapeau n’est pas seulement la tête d’affiche de la pièce, elle en est l’incarnation. Chaque séquence nous donne l’occasion d’apprécier la saveur de son jeu. On la sent vibrer à travers cette figure complexe, profondément humaine.
Face à ce rôle subversif, ses partenaires héritent de personnages caricaturaux. Jean-Moïse Martin (Urgentino) campe un stratège suffisant et calculateur dont le maniérisme déclenche quelques rires. Maxime Denomée (Carpeta) est un amant jaloux, un peu fade Marcel Pomerlo (Suffici), un amiral tyrannique aux mimiques absurdes. Quant à Patrice Coquereau (Ostensibile), c’est un irritant religieux fanatique. L’œuvre fait en cela une satire acerbe d’un pouvoir masculin égocentré qui refuse toute remise en cause de sa suprématie.

Un tableau réaliste
Michel Monty signe avec brio l’exécution d’une toile vivante aux répliques affutées, aux personnages mordants et à l’ingénieux décor mobile. Cette structure mouvante transporte tour à tour le spectateur de l’atelier de l’artiste au palais du doge. Pour certains, ces fréquents changements pourront sembler un peu étourdissants. Ils sont cependant à l’image du dynamisme de la pièce.
Mais son véritable tour de force reste sa capacité à nous tenir en haleine. Durant 1h45, on espère apercevoir cette fameuse fresque. Découvrir l’objet du scandale pour le juger. Or, tout tient à quelques projections ici et là. Et c’est tant mieux ! Chacun pourra se l’imaginer en y ajoutant ses propres couleurs.
Tableau d’une exécution est une pièce riche et exigeante qui porte un regard lucide sur les défis auxquels tout artiste est confronté pour exprimer sa créativité. Surtout les femmes qui doivent surmonter bien des obstacles afin d’être vues et entendues.
Tableau d’une exécution
Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 25 octobre 2025
Un texte de Howard Barker
Traduction Jean-Michel Départs
Mise en scène Michel Monty

