Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres triomphe au TNM avec l’adaptation de deux œuvres de Michel Tremblay. Le défi était de taille de les faire cohabiter sur une même scène. Maxime Robin y est pourtant parvenu dans une pièce à tiroirs qui célèbre la communauté queer montréalaise et explore la quête identitaire.
Dès les premières minutes, le public entre au cœur de la pièce. Perché en haut d’un escalier, Claude Lemieux, alias Hosanna, est assis à son balcon. Décati, il sirote un énième verre de gin pour tromper son ennui. L’arrivée d’un journaliste du Fugues brise sa solitude. Lors d’une entrevue-vérité, Lemieux revisite sa propre histoire au fil de ses souvenirs. À partir de là, le spectacle navigue entre le passé et le présent, retraçant le parcours de Lemieux/Hosanna jusqu’à sa chute.

Une brillante distribution
Luc Provost est méconnaissable dans une Hosanna vieillissante, abîmée par l’alcool et l’isolement. La célèbre drag queen délaisse son iconique Mado Lamotte pour un rôle à contre-emploi, sans strasse ni paillette. Provost embrasse la vulnérabilité d’une âme écorchée. Pour sa première apparition sur scène, c’est toute une entrée !
À ses côtés, Vincent Roy incarne l’Hosanna des années 70. Son interprétation à fleur de peau alterne des moments flamboyants autant que sensibles. Quant à Sacha Lapointe, en alternance avec Oscar Vaillancourt, il livre une touchante prestation du jeune Lemieux. Ce trio forme une véritable poupée russe qui révèle toute la richesse de ce rôle.
La pièce est également portée par une galerie de personnages hauts en couleur. Gabriel Fournier (Cuirette) un faux dur au cœur tendre et Jonathan Gagnon (Sandra), une vipère aux griffes acérées. Mention spéciale à Jacques Leblanc (la Duchesse de Langeais), figure tragi-comique qui manie l’humour noir avec une précision chirurgicale.
Les travestis forment une communauté tissée serrée dont l’instinct grégaire sert de rempart face aux agressions extérieures. Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres nous questionne en cela sur la place des minorités dans une société qui les exclut.

Un dialogue intergénérationnel
La pièce est un vibrant hommage aux années 70, reproduisant fidèlement les costumes d’époque et les références musicales. Le tout se déploie dans un somptueux écrin.
Divers plateaux circulaires ravivent ainsi des souvenirs dans des décors singuliers. L’ensemble reconstitue la mémoire fragmentée de la vieille Hosanna. D’un salon à une chambre à coucher en passant par le Hawaïan Lounge, chaque espace est subtilement exploité. On sent toute l’attention portée à chaque détail. Le public n’a d’ailleurs aucun mal à passer de l’un à l’autre grâce à la fluidité de la scénographie et du jeu des comédiens.
Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres transcende le simple hommage à l’univers de Tremblay en célébrant les diversités et en posant un regard lucide sur des enjeux sociaux. Car si l’art de la drag est désormais sur le petit écran, cela ne fait pas cinquante ans. Si la communauté LGBTQIA2+ est moins stigmatisé, leurs droits sont encore menacés, à commencer par ceux des personnes trans. La pièce revendique le droit à la différence, miroir d’un passé oublié et d’un présent à défendre.
