Nous connaissons tous de près ou de loin au moins une personne aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous pouvons même affirmer que personne n’est vraiment à l’abris d’en être victime, car nous pouvons tous, un jour ou l’autre, être confrontés à vivre des difficultés pouvant nous plonger en plein cœur d’une dépression ou encore d’un burn-out. La santé dans son ensemble est terriblement fragile, mais la complexité du cerveau et de ses composantes donne à la santé mentale son lot de mystères! C’est au cours de leurs échanges amicaux que les humoristes et comédiens Adib Alkhalidey et Julien Lacroix se sont tous deux rendus compte qu’ils avaient été, à un moment ou à un autre de leur vie, confrontés au suicide et à la maladie mentale. C’est en outre pourquoi il était important pour eux d’écrire un scénario à ce sujet, en réalisant le long-métrage intitulé « Mon ami Walid ».
« Mon ami Walid » est une comédie tragique présentée en 73 minutes et mettant en vedette une impressionnante distribution de comédiens. À la tête de l’histoire, nous retrouvons Walid (joué par Adib Alkhalidey) et Antonin (incarné par Julien Lacroix), deux collègues de travail névrosés. À la suite d’une journée mouvementée et haute en émotions, Walid veut mettre fin à ses jours. Antonin, qui passe heureusement par là, déjoue son collègue et l’en empêche, changeant ainsi le destin et le cours de l’histoire. Les deux protagonistes deviennent alors inséparables, au grand désarroi de Walid qui ne demandait qu’à être seul pour vivre sa profonde tristesse. Quant à lui, choqué par le geste qu’il vient d’intercepter, Antonin est plus décidé que jamais à venir en aide à Walid et tente, par tous les moyens, qu’il se sente enfin mieux… En ne le lâchant pas d’une semelle! Le spectateur assiste ainsi à l’évolution psychologique des deux « amis », le transportant à-travers le rire, les larmes, les petites victoires et les grands drames intérieurs.
Photo extraite du film « Mon ami Walid »
Le projet, tourné en seulement dix jours, a été financé, notamment, grâce à 753 donateurs dans la province. Une belle attention de la part des deux réalisateurs, d’ailleurs, car le nom de chacun d’entre eux figurent dans le générique du début du film! Mais que serait également devenu leur projet sans la généreuse contribution des autres comédiens et comédiennes qui ont voulu plonger tête première dans leur belle folie? Sophie Caron, Dominic Paquet, Mehdi Bousaidan, Guy Jodoin, Martin Perizzolo, Laurent Paquin, Sophie Cadieux, Christian Bégin et Debbie Lynch-White, pour n’en nommer que quelques-uns, rendent l’œuvre d’autant plus pétillante et drôle, que dis-je, hi.la.ran.te, à leur façon bien singulière en incarnant astucieusement leurs personnages aussi colorés les uns que les autres!
N’ayant pas été subventionnés comme pour les autres films québécois (à noter qu’une production peut normalement demander entre 1 et 8 millions de dollars), Adib Alkhalidey et Julien Lacroix ont su mettre en valeur leur film autrement et ils ont tout simplement réussi cet exploit! Ceci dit, c’est pour cette même raison qu’ils n’ont malheureusement pas accès aux cinémas de la province. Les deux humoristes conseillent donc à leur public de contacter le cinéma de leur ville respective afin que davantage de gens puissent le voir, car, on va se le dire, il-fait-du-bien! Pour l’instant, il n’y a que quelques projections prévues dans certaines villes du Québec. Mardi soir, c’était à Drummondville que les gars et leur équipe étaient de passage. Après chaque visionnement, une séance de questions est permise aux spectateurs (cliquez ici pour réserver vos billets), voici le résultat de cette semaine!
Crédit photo : © William Arcand
Q : Est-ce qu’il y avait beaucoup d’improvisation pendant le tournage?
Adib : « Ce serait de mentir que de dire que tout était écrit parce que ce gars-là est une ostie de bibitte, là » a-t-il lancé en pointant son collègue Julien Lacroix, décrochant un rire à la salle entière.
Q : Pensiez-vous que vous auriez autant d’acteurs?
Adib : « Ce qui était dur, c’est qu’on avait vraiment honte de les approcher, parce qu’on savait qu’ils allaient pas être payés. […] Premièrement, on ne savait pas que nous, on allait apprécier le film, on ne savait pas que ça allait se tenir… On n’avait aucune idée. Au départ, on se disait qu’il y avait de très fortes chances que ça marche vraiment pas. Faque… Approcher du monde en disant » y’a 50% de chances que ça chie, mon affaire », c’est un peu compliqué, parce que tu es un peu gêné. […] Mais on est vraiment chanceux, parce que les acteurs ont embarqué, parce que y aimaient le projet, pis y aimaient le processus, aussi, qui avait derrière. Fait que ça a comme attiré vers nous des personnes qui avaient un peu la même, euh, comment on dirait? Qui avaient envie de vivre, justement, une aventure, qui pourraient se planter! »
Julien : « Non, mais c’était de la générosité à l’état pure, là, tout le monde qui se sont prêtés au jeu sont venus tourner de nuit, de jour, y en a qui ont » squeezé » des tournages pour essayer d’être là, fait que j’pense que tout le monde était là de bonne foi […] Et même aussi toute l’équipe, tsé, pour vrai, ma cousine faisait les costumes, mon frère est venu faire la sécurité, sa mère joue dans le film… »
Adib : « … Et toutes mes voisines jouent dans la mosquée! »
Q : Pourquoi avoir décidé d’écrire un scénario à ce sujet?
Adib : « Bien, c’est sûr qu’on restera toujours pudique par rapport au pourquoi du sujet, parce qu’on ne veut pas nécessairement impliquer des gens de notre vie intime, mais à-travers nos conversations amicales, on a réalisé que, dans notre vie, on avait tous les deux été confrontés au suicide et à de la maladie mentale […] Dans le fond, on s’était dit: » comme ce projet-là risque de se planter, parce qu’on n’a pas d’argent pis on sait pas comment on va y arriver, on va au moins parler de quelque chose que, peu importe le résultat, on va être fiers de nous, parce qu’on va avoir parlé de quelque chose qui est important pour nous. » Quand ça part de ton cœur, on dirait que, peu importe ce que les gens vont penser ou dire, ça peut pas vraiment t’affecter […] on le savait qu’on allait être fiers de nous jusqu’à la fin d’avoir parlé de ce sujet-là. Voilà. »
Q : La place de l’humour quand on parle de santé mentale?
Adib : « On voulait faire une belle place à l’humour, dans le film, parce qu’on trouve ça toujours plus facile d’accéder aux émotions, quand on a tous ri ensemble. C’est plus facile de se dire la vérité quand tout le monde a rigolé de bon cœur. Fait que, c’est pour ça que nous, dès le départ, même si on savait qu’on allait traiter d’un sujet important pis lourd, on voulait que […] les gens qui allaient le regarder ensemble, qu’ils puissent vivre un moment qui les rassemble pour qu’après, ils se sentent à l’aise d’en parler. »
Julien : « Non, mais y a aussi quelque chose de l’fun, parce que oui, tout le monde, maintenant, assume, ou a quelqu’un de proche ou de loin qui a une maladie, que ce soit la dépression, la schizophrénie […] Mais je trouve ça beau que, quand tu regardes une situation, des fois, quand t’es collé dessus c’est un drame, autant quelqu’un qui est en dépression, même une tentative de suicide ou peu importe… Y’a tout le temps un énorme drame quand t’es collé dessus, pis quand ça se répare, quelques années plus tard y’a toujours de quoi de tellement absurde dans ces affaires-là […] C’est dur à expliquer, mais j’trouve qui a du drôle dans chaque drame. »
Q : Veulent-ils faire voyager leur film?
Adib : « On n’a pas l’impression que ça peut voyager pour l’instant, parce qu’on n’a eu aucune ambition avec ce film. Les ambitions y naissent de jour en jours. Comme là, vous me posez la question pis je me dis » ah? Peut-être? », je sais pas, tsé, on n’a pas vraiment pensé à ça. »
Julien : « Mais je pense que le but c’est quand même que le plus de monde le voit, fait que c’est pour ça qu’on suggère aux gens, justement, d’écrire aux cinémas pour déjà qu’il ait une vie outre les 15 dates qu’on fait en salles avec les gens […] On a déjà reçu quelques suggestions et quelques offres, on est en train de réfléchir à tout ça, parce qu’on dirait qu’on veut être là pour le défendre ou l’entendre à chaque fois… »
Psst! Visionnez la bande-annonce ici :