Apprendre à s’aimer débute avec un court montage de chansons d’amour classiques que transforme Jean-Thomas Jobin afin qu’elles correspondent davantage à son vécu. Que je t’aime devient alors : Que je m’aime…pas tant que ça mais je travaille là-dessus! Cette modification introduit parfaitement aux spectateurs le déroulement de la soirée : des conseils de motivation enrobés dans une facture absurde tantôt hilarante tantôt déstabilisante.
Récipiendaire de l’Olivier des meilleurs textes en 2016 pour ce troisième effort solo, Jean-Thomas Jobin a profité de la trente-cinquième édition du Festival Juste Pour Rire pour replonger dans l’arène après deux mois et demi de repos. Fidèle à lui-même, avec une cohérence qui lui est propre, l’humoriste a offert 95 minutes de blagues bien rodées agrémentées de savoureuses improvisations.
©Serge Cloutier
Le genre d’humour que l’artiste préconise vient forcément avec des expérimentations houleuses et éclatées pouvant aisément tomber à plat. Lorsque certains jeux de mots ratent la cible, en raison d’une exploitation trop facile ou d’une complexité trop recherchée (Oui,c’est possible), Jean-Thomas n’hésite pas une seconde à les assumer. Il jongle efficacement avec les réactions du public, les bonnes comme les mauvaises, ce qui le rend extrêmement sympathique. Évidemment, de belles trouvailles découlent également de l’univers déjanté de l’homme. Même si ça peut paraître assez farfelu par écrit, un mouton en plastique qui gueule Shut Up de Simple Plan, est un segment absolument tordant.
Et oui, le décor délirant d’Apprendre à s’aimer, comme il fallait s’y attendre, contraste magnifiquement avec les thématiques abordées. Des moutons, des rames, des taches d’encre servant d’exercices aux psychologues, un hibou du nom d’Amir car il se fout complètement de sa droite… Dans cet environnement délicieusement décalé et invitant, Jean-Thomas Jobin prodigue des trucs simples en apparence portant sur un mal universel pratiquement indomptable : s’aimer comme nous sommes. Ces mantras, on les connaît tous, mais l’humoriste les pimente bien sûr à sa façon. Par contre, certains sujets tels que accepter notre cerveau décousu, être espiègle, embrasser nos lacunes et laisser notre trace agissent uniquement comme le fil conducteur d’une rafale de gags n’ayant pas de liens clairs entre eux. Ces thèmes reviennent du pareil au même car pas suffisamment explorés.
©Serge Cloutier
Ceci dit, Jobin atteint brillamment la cible et parvient à faire réfléchir lorsqu’il s’éloigne de son identité scénique afin de laisser transparaître une parcelle « du vrai lui ». Pour y arriver, il parle de ses parents, ce qui permet aux spectateurs de non seulement saisir avec bonheur l’origine du personnage mais aussi de réaliser que ce ne sont pas toutes les facettes de sa vie qui sont marquées par une folie bizarre. Sa mère, un bijou de candeur comme il la surnomme affectueusement, prépare une quantité industrielle de petits plats tout en s’attardant sur des événements quotidiens anodins comme le coulage d’une soupe. Son père, tout l’opposé, possédait un vocabulaire riche et un tempérament davantage posé. Ayant perdu son papa récemment, Jean-Thomas a insisté à parler de son père au présent dans le but de l’honorer, ce qui a donné lieu à un moment très touchant.
Parmi les autres temps forts du spectacle, notons le numéro sur la dualité entre le dirty et le small talk, les diverses mises en situation mettant en scène une personne se réveillant d’un coma de onze ans et un duo de style cabaret avec un accessoire d’Halloween plutôt inusité.
©Serge Cloutier
D’ailleurs, le rappel, surprenant et charmant, dévoile les efforts que l’humoriste a accomplis pour conserver la viabilité d’une de ses blagues qui le fait le plus rire (fort probablement à vie). Pour découvrir ce joyau, ne manquez pas l’humoriste en tournée! Plus de détails ici!
Crédits Photos : Serge Cloutier/Éklectik Média