Bad Education : veut-on réellement le meilleur pour nos enfants? ★★★1/2

**Warner Bros . Home Entertainment m’a fourni une copie gratuite de ce DVD que je critique sur ce présent article. Les opinions que je partage sont les miennes.**

Lors de son passage au TIFF (Toronto International Film Festival) en septembre 2019, Bad Education a tellement attiré l’attention de HBO que la célèbre chaîne de télévision a investi plus de 20 millions pour en acquérir les droits. Qu’un film visé à sortir en salles et à concourir dans d’importantes cérémonies comme les Oscars atterrisse plutôt à la télévision est une décision assez surprenante mais de plus en plus dans l’air du temps.

Comme le film est sorti le 25 avril 2019, quelques semaines après l’exposition du scandale de corruption au sein de prestigieuses universités impliquant entre autres les actrices américaines Lori Loughlin et Felicity Huffman, le réseau HBO a eu la main plus qu’heureuse et s’est collé de manière troublante à l’actualité.

Basé sur une histoire vraie se déroulant dans le début des années 2000, le film dépeint un détournement de fonds historique perpétré à la Roslyn High School dans le Long Island. Frank Tassone (Hugh Jackman) ,un ancien professeur devenu un exigeant directeur, et son assistante Pam Gluckin (Allison Janney) sont extrêmement appréciés des parents et des élèves, car ils semblent constamment être en parfait contrôle sur tout. Peu importe les embûches, ils parviennent à propulser l’école au sommet. Peut-être que cette confiance vient du fait qu’ils pigent allègrement dans la caisse de l’école pour des achats personnels comme des Playstation.

Obnubilés par leur mode de vie luxueux qui leur font croire qu’ils sont invincibles, ils dévoilent au grand jour leurs excès devant des parents naïfs et aveuglés. Jusqu’au jour où Rachel Bhargava (Geraldine Viswanathan), une étudiante œuvrant au sein du journal de l’école mandatée d’écrire sur le nouveau projet de rénovation de l’établissement, mène son investigation et expose des preuves accablantes…

Réalisé sobrement par Cory Finley (Thoroughbreds) et co-scénarisé par Mike Makoskwy ,qui, incroyable mais vrai, a vécu l’éclatement du scandale en étant un jeune étudiant à la Roslyn High School, l’oeuvre joue sur plusieurs genres cinématographiques mais les agence à merveille. Les répliques déjantées et empreintes de déni de Tassone et Gulckin s’inscrivent dans le tragi-comique sarcastique, les découvertes de Bhargava relèvent de l’haletant suspense et l’adultère de Frank avec un ancien étudiant apporte à l’intrigue une dramatique touche romantique. Pertinents et bien ficelés, ces pans servent magnifiquement le nœud principal de l’oeuvre qui est d’exposer un fait véridique déplorable et injuste.

Au-delà de l’escroquerie de millions de dollars qui est frustrante et qui mérite d’être connue par un maximum de générations afin de les conscientiser, la vision même de l’éducation illustrée ici bouleverse par sa pitoyable tristesse. Ce ne sont pas seulement les abus de la carte de crédit de l’école qui exaspèrent mais aussi les réactions crédules des parents et autres têtes dirigeantes qui mélangent éduquer et élever un étudiant. Ils traitent le milieu de l’éducation comme une baguette magique capable d’accomplir tous les miracles sans qu’eux ne doivent faire d’efforts supplémentaires.

L’hypocrisie et la manipulation de tous les côtés puent au nez. Le scénario l’expose subtilement pour créer un effet encore plus pesant et frustrant qui habite longtemps le cinéphile après le visionnement.  Cela montre une vision juste des revers de la victoire à tout prix et de la pression inutile qu’elle provoque, oubliant l’essentiel de l’éducation qui devrait d’abord et avant être accessible à tous. La scène dans laquelle Frank Tassone explose devant un parent est percutante et très révélatrice.

Incarnant un personnage qui est un condensé de plusieurs personnes réelles, Geraldine Viswanathan s’avère particulièrement convaincante et nuancée. On croit en sa quête et à sa vulnérabilité qu’elle dissimule bien. Dans un autre rôle de soutien, l’actrice oscarisée Allison Janney pour le film I, Tonya offre une performance explosive. D’abord fonceuse et insolente, voire antipathique, sa Pam devient presque attachante lorsque tout s’écroule autour elle, même si c’est à juste raison et pour le bien de sa famille. Ça prend une actrice d’expérience et d’exception pour arriver à un résultat aussi marquant. 

Parlant de talent brut, Hugh Jackman trouve ici un des meilleurs rôles de sa carrière. Il dévoile une facette insoupçonnée de son registre. Il n’a jamais paru aussi inquiétant et magnétique tout à la fois. On assiste si intimement à toutes les étapes de l’engrenage le menant à sa perte qu’on souhaite autant sa réussite que sa chute. C’est tout simplement sidérant! Cette ahurissante performance lui vaut d’ailleurs une nomination au prochain gala des Emmy Awards qui se tiendra le 20 septembre prochain. Le film reçoit également une mention dans la catégorie du meilleur film télévisuel.

Offert partout au Canada dès le 8 septembre 2020 au coût de 24,98$, le DVD du film propose d’intéressants suppléments dont une discussion virtuelle entre Hugh Jackman et Allison Janney qui en dévoilent davantage sur les personnages réels qu’ils incarnent.