Non, le spectacle Beau comme on s’aime, présenté hier dans le cadre du Festival international de la chanson de Granby, n’est pas une nouvelle tournée de Yann Perreau, bien que l’auteur-compositeur-interprète ait interprété cette chanson à la fin du concert. Il s’agissait plutôt d’un événement unique soulignant du même coup le cinquantième anniversaire du Festival et celui de l’Office franco-québécois de la jeunesse. Animée par Émile Proulx-Cloutier, la soirée réunissait donc quelques artistes qui ont voyagé à travers le monde par le biais de l’OFQJ dont Alfa Rococo et Loco Locass. Tout était alors bien mis en place pour un party inoubliable ponctué de partages créatifs entre humains passionnés par la langue francophone et sa riche musicalité.
L’ouverture de Beau comme on s’aime annonçait effectivement une soirée remplie d’échanges. Sous un tonnerre de cris et d’applaudissements, Loco Locass , que Émile Proulx-Cloutier a qualifié à propos de mousquetaires de la chanson politique, a débuté avec Le mémoire de Loco Locass qui traite de la diversité et la tolérance dont le Québec fait preuve. Tous les artistes se sont joints à la formation pour entonner en cœur : Les Québécois s’unissent sous la fleur de lys. Un réjouissant moment collectif qui a malheureusement été succédé par une enfilade de performances en solo. Il aura fallu attendre à la onzième chanson avant d’avoir droit à une collaboration, mais quel instant magique ce fut! L’enveloppante douceur de Catherine Major , qui s’accompagnait au piano, a pris une tournure plus intense et investie émotivement lorsque Alexandre Désilets a mêlé sa voix à la sienne pour la sublime pièce La voix humaine. Le mariage de leurs notes aiguës captivantes a non seulement donné de délicieux frissons mais également constitué le moment fort de ce spectacle.
Même s’il n’y a pas eu assez de duos et de trios, plusieurs numéros individuels ont volé la vedette et comblé la foule qui a été survoltée et lumineuse du début à la fin. Un Daniel Boucher bien en forme et en voix l’a plongée dans la nostalgie avec ses classiques Chez nous et La disease. Alfa Rococo a également fait bouger les spectateurs au son de leur énergique titre Météore. Totalement heureux et fier de se produire sur les planches, Yann Perreau a insufflé une touche de romantisme avec la touchante déclaration d’amour qu’est T’embellis ma vie avant de retrouver sa folie légendaire avec la jubilatoire J’aime les oiseaux. Émile Proulx-Cloutier a sobrement offert Force Océane, son renversant plaidoyer poétique contre les iniquités affligées à la femme en société, devant des spectateurs qui le chantait fort sans la moindre hésitation ou le découvrait avec une triste stupéfaction. Parlant de découvertes, le chanteur français Foray a, lui aussi, fait bonne impression auprès du public granbyen en lui présentant avec authenticité et dynamisme Elle voudrait et Mémorable.
Bien qu’il occupait la fonction d’animateur, le polyvalent Émile n’a pas boudé son plaisir, même si cela semblait un peu trop par moments. En plus d’interpréter deux excellentes pièces de son répertoire au piano (Race de monde et Votre cochon se couche, toutes deux issues de son premier album intitulé Aimer les monstres), il a accompagné avec bonheur Loco Locass pour Groove Grave et Libérez-nous des libéraux qui ont défoulé et semé l’hystérie au Parc Daniel-Johnson. Même Yann Perreau s’est gravé à ce hymne qualifié de pathétiquement nécessaire par le trio. Valaire a continue de faire danser les gens avec un segment électro enlevant -malgré une basse trop élevée- qui s’est soldé par L’amour est un monstre avec l’apparition surprise de Karim Ouellet. Mention spéciale aux techniciens qui ont fait balancer des lumières pendant la prestation afin de submerger la foule dans une divertissante ambiance de club.
Bref, même si on aurait souhaité plus de partage entre les artistes, le spectacle a réussi sa mission première de prouver que la musique québécoise est essentielle et que ses innombrables qualités uniques doivent impérativement être représentées et reconnues partout à travers la francophonie.
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média