La nouvelle monture de la pièce musicale Les Belles-soeurs débarquera sur les planches du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts du 17 au 27 octobre avant de se produire à Québec tout le mois de novembre et à Sherbrooke en janvier 2019. Pour vous mettre l’eau à la bouche sur ce qui vous attend, nous avons rencontré, dans le cadre d’un cocktail célébrant les 50 ans de la pièce, les comédiennes Kathleen Fortin et Éveline Gélinas qui participent présentement à ce fabuleux jalon de notre histoire québécoise.
Éveline, tu es nouvelle dans la distribution. Comment le rôle de Pierrette Guérin est venu à toi?
Éveline Gélinas (Pierrette Guérin) :C’est tout simplement René Richard Cyr (le metteur en scène du spectacle) qui m’a téléphonée. On a collaboré souvent ensemble, alors je pense qu’il avait confiance d’emblée. Moi, j’avais vu le spectacle et j’avais capoté, j’avais trouvé ça extraordinaire, surtout au niveau de la mise en scène et de la musique de Daniel Bélanger. J’avais travaillé sur la pièce pendant mes cours de français et de théâtre à Shawinigan, donc j’étais ravie quand il m’a appelée. En plus, c’est pour jouer Pierrette qui est un rôle extraordinaire. Pierrette, c’est comme la rebelle qui arrive au cours de la soirée qui va venir faire éclater les affaires. J’en parle, et j’ai des frissons! C’est vraiment un grand compliment, et ça a été une super bonne nouvelle!
En 2014, tu as participé à la pièce en tant que Des-neiges Verrette. En 2018, tu es Germaine Lauzon. Comment la préparation a changé entre les 2 rôles?
Kathleen Fortin : Hummm … C’est un petit peu la même chose, je te dirai, parce qu’on est tout le temps sur la scène. Bon, c’est sûr que Germaine, c’est un petit peu différent aussi car ça se passe dans sa cuisine , c’est son histoire pis il y a quelque chose en elle qui porte le spectacle. Donc, il y a une espèce d’exigence qui est là et qui demande ça de porter cette affaire-là à bout de bras, mais reste que la star que cette pièce-là, ce n’est pas Germaine, c’est les Belles-soeurs, c’est les quinze femmes , les quinze personnages. Donc, que tu joues Des-neiges Verrette, Pierrette Guérin ou Germaine Lauzon, je trouve qu’elles sont essentielles l’une et l’autre, même Madame Dubuc dans sa chaise roulante, on en a besoin!! On a pas de prérequis, ce qui est bien, car, dans la mise en scène, chaque actrice a vraiment sa partition, son parcours à elle. On a tellement de choses à faire et de monde à regarder! Le spectateur qui vient, il pourrait voir le show 20 fois et pas voir le même spectacle parce qu’il y a tellement de choses qui se passent que tu peux décider ce que tu veux suivre, fait que la préparation, je te dirai que c’est sensiblement la même.
Par contre, l’énergie des personnages n’est pas la même.
Kathleen Fortin : Non, c’est sûr que ce n’est pas la même, pas du tout en fait! C’est sûr que Germaine déménage un peu plus , elle demande un peu plus d’énergie, mais c’est avec elle qu’on suit le trajet de la pièce, c’est-à-dire l’humour du début qui va glisser dans la tragédie. C’est elle qui porte ça beaucoup donc, c’est ma job de bien amener le public dans ça. Oui, ça demande quand même un petit peu de jus. J’te dirai que je suis un peu fatiguée quand je termine un spectacle, mais c’est une belle fatigue de bonheur!
En entrevue, Sonia Vachon (Rose Ouimet) a déjà dit qu’elle aimerait qu’il y ait une suite à la pièce pour voir comment Germaine Lauzon survit à la trahison.
Kathleen Fortin : C’est drôle, on s’en parlait parce qu’on n’ est pas d’accord toutes les deux! Il y a des actrices qui sont certaines que les personnages ne se parlent plus, moi je suis convaincue que les femmes ne se parlent plus!! Sonia est tellement empathique que je pense que, pour elle, c’est sûr qu’elles se reparlent! Moi, je pense que ça a cassé! En tout cas, ça va prendre un bon boutte avant qu’elles se reparlent! Bon, c’est sûr qu’on ne sait pas vraiment comment Germaine Lauzon réagit le lendemain matin. En même temps, j’aime à penser que les personnages de Tremblay sont résilients comme la plupart de nos modèles féminins d’ici! Ce sont ses personnages qu’on a eu comme inspiration, comme modèle, moi, ma mère , mes grands-mères , mes tantes. Il y a cette espèce de force-là de la nature qui fait que t’es a terre mais que tu ramasses ton jupon pis tu te relèves. Donc je pense qu’elle va s’en sortir, Germaine, mais ça fait mal! C est sûr que ça fait mal!!!
Selon vous, est-ce que c’est possible qu’une pièce de théâtre écrite en 2018 devienne aussi marquante 50 ans après sa création comme c’est le cas avec Les Belles-sœurs?
Kathleen Fortin : Très bonne question ça! Ben, on l’espère, c’est ça qu’on souhaite. C’est sûr que maintenant, les auteurs sont plus nombreux, donc il y a plus de pièces qui s’écrivent déjà, mais j’y crois. Mais, on pourra pas le savoir maintenant, on va le savoir dans dix ans, quinze ans, vingt ans , vingt-cinq , cinquante ans … si cette pièce-là a réussi. Ça dépend aussi ce que les gens décident d’en faire. C’est sûr que Michel Tremblay, c’est un incontournable, et qu’il possède cette force-là , cette puissance-là et cette espèce de don du rassemblement.
Éveline Gélinas : Ça serait peut-être plus Michel qui pourrait répondre à ça, peut-être même qu’il ne le saurait pas car ça fait cinquante ans qu’il a écrit ça. Je pense qu’il a observé son monde, sa famille et le monde dans lequel il évoluait et a pris la parole pour ces femmes-là qui n’en avaient pas. Un grand auteur, c’est un fin observateur qui met le doigt sur quelque chose à un moment précis. Tsé, ça part peut-être d’une personne, d’un regard sur quelques personnes, et ça s’avère que ça touche! Je sais pas si on le sait vraiment d’avance, c’est pas calculé, mais, moi, toutes les grandes œuvres, c’est souvent ça. Ça part de là, ça part de quelque chose. Les belles-soeurs ont joué à travers le monde, c’est pas juste au Québec.
Dans la monture que vous présentez, il y a quelques changements dont l’ajout d’une nouvelle chanson de Daniel Bélanger et la disparition de trois personnages. Comment avez-vous accueilli ces changements-là?
Éveline Gélinas : Il y a eu une monture anglaise au Canada anglais alors, à ce moment-là, la diffusion avait été réduite. Il y a donc eu un travail sur le texte, les créateurs ont été obligés de repenser les choses, et c’est les producteurs canadiens, je crois, qui avaient d’autres types d’exigences pour que ça coûte moins cher. À partir de là, ça a donné des choses intéressantes aussi. Je pense que Michel Tremblay est très en paix avec ça, dans le fait de scinder quelques personnages. Dans le fond, les trois personnages coupés étaient des personnages qui avaient peut-être moins d’importance.
Kathleen Fortin : Ben, c’est l’fun parce que, oui, ça nous rajoute un petit peu de nouveau et ça nous rajoute un petit peu de piquant dans le fait de poursuivre. C’est des nouveaux défis en fait. C’est sûr qu’il y a le deuil des trois filles qui manquent à faire, mais, en même temps, ce qui est drôle, c’est que j’ai l’impression qu’elles sont encore là même si elles ne sont plus là! Elles sont peut-être cachées dans les armoires de la cuisine (rires)! C’est ça qui est beau avec Les Belles-soeurs ; toutes les actrices qui ont joué la pièce sont toujours là avec nous comme des fantômes.
Il y a aussi l’impact musical.C’est vraiment un rassemblement, et je trouve que Daniel Bélanger a tellement su bien comprendre l’essence de tout ça, c’est comme s’il avait magnifié la pièce de Tremblay qui est déjà un chef d’oeuvre. Je pense que les gens qui viennent voir le spectacle musical nous disent « Mais, mon Dieu, on a l’impression que ça a toujours été écrit comme ça!» Tremblay a cette qualité-là aussi d’être très musical dans son écriture. Michel aime ça les choeurs, donc c’était complètement naturel d’en faire un théâtre musical! Nous sommes bien privilégiées!
Quelle réplique de la pièce t’as le plus marquée ?
Éveline Gélinas: Oh, ça c’est dur!! Euh, ça serait sûrement peut-être parce qu’on est dans cette ère-là, mais la chanson Maudit Cul. Je dirai que c’est toute la chanson, j’en parle encore et j’ai des frissons. Quand tu t’aperçois que t’as rien en avant de toi et que ça te donne envie de tout lâcher, de toute crisser-là mais les femmes peuvent pas faire ça, mais les femmes sont pognées à la gorge, elles vont rester de même jusqu’au boutte… ça a été écrit il y a 50 ans!! Ça résonne encore aujourd’hui, et, ça, j’avoue que c’est hot! Les Belles-soeurs, c’est aussi beaucoup d’humour et des punchs hallucinants, mais mettons que cette chanson-là. c’est comme…ouais,c’est ça!!
Crédits Photos : Stéphanie Payez/Éklectik Média