Candide – Un voyage initiatique déjanté

Candide déferle sur les planches du Théâtre Denise Pelletier avec une énergie débordante. L’occasion de remettre au goût du jour le célèbre conte philosophique de Voltaire. S’attaquer à un classique est toujours un défi, surtout quand il s’agit d’une œuvre en prose aussi foisonnante.

Après Le rêveur dans son bain, Hugo Bélanger récidive avec une adaptation éclatée qui repousse les limites de l’imaginaire. Chacune de ses mises en scène est une boîte à malice où son génie créatif pétille comme un feu d’artifice.

Dès l’ouverture de la pièce, le spectateur est happé par un rythme haletant entre burlesque et satire sociale. Le château de Thunder-ten-tronckh abrite une royauté extravagante dont le pauvre Candide sera chassé pour avoir osé embrasser la fille du baron. Commence alors une série de tribulations au cours desquelles le jeune homme découvrira la cruauté du monde pour y trouver sa place.

Candide - TDP
© Victor Diaz Lamich

Du front de la guerre à une galère en mer, le public est alors emporté dans un tourbillon de tableaux plus foisonnants les uns que les autres. En 1h45, on assiste à tout un déploiement de couleurs et de séquences aussi éblouissantes qu’étourdissantes. La pièce est une véritable farandole où se mêlent comedia d’ell arte, jeu d’ombre ou encore des marionnettes.

Cette scénographie extravagante ne sera sans doute pas au goût de tous. On peine parfois à reprendre notre souffle, là où on voudrait ralentir le temps. Faire un arrêt sur image pour savourer chaque pépite de la pièce, des costumes aux jeux de lumière. Elle a néanmoins le mérite de proposer une relecture débridée qui sort des sentiers battus.

Candide - TDP
© Victor Diaz Lamich

Gabriel Favreau incarne le rôle-titre avec son sourire béat et une touchante naïveté. Il incarne la perte de l’innocence perdue dans un univers hostile. Carl Béchard (Pangloss) est une sorte de gourou grotesque aux principes démodés. Il sort parfois d’une trappe comme un diable à ressort. Quant à Marilou Leblanc (Cunégonde), son jeu tranche avec la potiche de l’œuvre originelle.

Les seconds rôles ne sont pas en reste, chacun apportant sa fougue à l’ensemble. Il y a d’ailleurs un véritable esprit de troupe qui fait vibrer le texte de Voltaire. Cette vitalité se propage aussi dans la salle où le public reste à l’affût du moindre changement.

© Victor Diaz Lamich

Malgré sa démesure, ce Candide se vaut par sa prouesse artistique. Au-delà de son exubérance, ses facéties et autres bouffonneries, la pièce résonne avec nos angoisses contemporaines. Car « tout n’est pas pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles ». La pièce nous le rappelle amèrement en nous mettant face à nos contradictions. Une expérience théâtrale subversive où le rire, souvent jaune, révèle les excès de notre monde.