Le deuxième album de Geneviève Leclerc, Celle que je suis, est paru il y a presqu’un an (9 novembre), mais la première médiatique montréalaise avait lieu ce soir à la Cinquième Salle de la Place des Arts , qui était bondée pour l’occasion. Il est effectivement difficile d’imaginer une meilleure manière de meubler son samedi soir! Classiques indémodables revisités avec originalité, une voix d’une puissance renversante, des émotions à fleur de peau… tout était en place pour ne pas oublier de sitôt la fabuleuse femme qu’elle est!
Technicienne si hors pair qu’elle ne cesse d’étonner qu’importe le nombre de fois qu’on la voit sur une scène, la chanteuse tenait à ce que le spectacle de Celle que je suis expose toutes les facettes de son talent d’interprète. Elle y est parvenue haut la main. Sachant analyser minutieusement chaque mot d’un texte pour y extraire tous les sentiments possibles, la chanteuse a été crédible de pièces en pièces, chavirant le public même lorsque la pièce n’était pas nécessairement une préférée du vaste répertoire français, répertoire qu’elle a d’ailleurs nettement privilégié à l’anglais. Elle a glacé le sang et causé de chaudes larmes chaque fois qu’elle parlait les lignes ou murmurait un refrain censé être crié, démontrant ainsi l’étendue de son intelligence théâtrale. Elle a certes fait frissonner avec son spectre vocal large rempli de textures impressionnantes , mais seulement quand les chansons le commandaient absolument.
Pour bien traduire l’essence de l’album orchestral Celle que je suis, des séquences de cordes préenregistrées à Prague ont été incorporées dans les arrangements scéniques, le tout d’une manière fluide et pertinente. Le concert a débuté avec fracas avec une introduction musclée à la caisse claire sur la spectaculaire I (who have nothing). La version symphonique de Ma Gueule, avec son atmosphère légère dictée par la forte présence des bois, a également proposé un intéressant contraste avec les paroles brutales de cette pièce traitant d’intimidation.
Étant maintenant des incontournables de son répertoire, la poignante Je ne t’aime plus, la divertissante Big Spender, la mélancolique Parlez-moi de lui et la déchirante Je suis malade qui lui a valu une ovation debout plus que méritée avant l’entracte ont eu une place de choix sur ce concert même si elles avaient déjà eu leur moment de gloire sur la tournée précédente, celle entourant son premier album solo Portfolio. Puisque l’interprète ne se lasse pas de les incarner et qu’elle nous transmet avec brio son plaisir, cela n’a aucunement été irritant, d’autant plus que les mélodies ont été brillamment pimentées.
Nous avons sans contredit eu droit à un spectacle possédant sa propre personnalité. La touche de Joël Legendre, agissant ici à titre de metteur en scène, y est grandement pour quelque chose puisqu’il a été en mesure de saisir la douce folie de Geneviève Leclerc au-delà de son sens du drame. Les interactions charmantes de l’artiste et l’utilisation de quelques accessoires d’apparence banale se sont harmonisé avec brio aux chansons choisies pour former un tout cohérent. Fascinée par les boîtes à musique depuis son plus jeune âge, elle en a présenté trois qui sont chacune associée à des qualités bien distinctes : la sensibilité, la bienveillance et la détermination. Trois caractéristiques qui s’appliquent parfaitement à Geneviève Leclerc.
Au chapitre des autres trouvailles dignes de mention, notons la mise en situation inspirée du clip de Material Girl de Madonna sur Diamonds are a girl’s best friend ainsi que les ombres chinoises agrémentées de plumes sur la bouleversante Je ne t’écrirai plus. Le public, conquis et généreux en applaudissements après chaque note haute, a pu ressentir la passion vibrante de l’artiste sur chacun des quelques 25 titres offerts variant les genres musicaux. L’incursion dans le fabuleux univers du jazz, avec la jolie J’attendrai célébrant cette années ses 80 printemps, la planante Nature Boy et la version complètement unique de What’s up , a particulièrement été réussie.
Bien évidemment, impossible pour l’interprète de ne pas véhiculer son amour inconditionnel envers les comédies musicales. Elle a partagé ses coups de cœur tout en montrant son habileté époustouflante à se fondre dans un personnage qui illustre au mieux le fil conducteur de l’histoire. On a donc notamment eu droit à S’il ne nous restait que la nuit et Joies quotidiennes offerte à la mémoire de son papa décédé récemment, lui qui avait demandé à sa fille si elle comptait lui dédier une chanson lors de son prochain spectacle. Chose faite avec classe, sincérité et sans chercher la pitié. Le moment le plus hilarant du spectacle a été le medley où, capable d’autodérision, l’interprète s’est moquée de son intensité volontaire. Elle a proposé des extraits de chansons joyeuses comme Ça va bien et Chante-là ta chanson tout en ne pouvant s’empêcher de verser dans les chansons tristes et déprimantes comme Aujourd’hui, ma vie c’est de la marde et Papa, can you hear me?. Un numéro inventif au rythme dynamique et vocalement sans faille.
Voici une entrevue réalisée avec Geneviève Leclerc quelques heures avant sa première où il est question de ses futurs projets et de vision lucide de la réalité de l’industrie de la musique. Pour plus de détails, cliquez ici!
Crédits Photos : Stéphanie Payez, Éklectik Média