Étant petite, alors que ses parents l’ont emmenée voir le spectacle d’opéra Carmen à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, loin encore dans l’idée de vouloir pratiquer le métier de chanteuse, Béatrice Martin s’est dit qu’un jour elle allait se produire sur cette scène mythique. Mais ce sont ces idées saugrenues qui nous passent par la tête étant gamin sans vraiment réaliser que ces rêves peuvent devenir réalité. Pourtant, des années plus tard, la chanteuse que l’on connaît sous le pseudonyme Cœur de Pirate a présenté d’une très belle façon, en émotions et en humour, une rétrospective de sa carrière à l’occasion des FrancoFolies de Montréal 2019 jeudi soir dernier, à cet endroit même. Pour cette occasion unique, elle en a profité pour faire miroiter d’autres talents d’ici en les invitant à se joindre à elle le temps d’une chanson ou deux. Retour sur une soirée mémorable et authentique !
© Benoit Rousseau / FrancoFolies
La vulgaire machin pas si vulgaire
Il est bien difficile de refuser une invitation pour se produire dans la majestueuse salle qu’est Wilfrid-Pelletier, même si ce n’est qu’en guise de première partie. Venue présenter son deuxième album, intitulé Multicolore, Marie-Ève Roy de la formation Les Vulgaires Machins s’est dit être très choyée de nous présenter ses compositions tout en douceur, alors que nous sommes habitués de la voir nager dans un punk/rock alternatif débridé en compagnie de son band (qui offrira d’ailleurs un spectacle extérieur gratuit le 18 juin prochain, à 21h, sur l’immense Scène Bell). Le contraste y est flagrant puisque c’est dans une énergie tranquille, rassurante, sans saleté et teintée d’humour qu’elle nous dévoile ses textes poétiques et bien convenus. Entre les chansons, elle n’hésite pas à se moquer du fait qu’être dans un groupe constitué principalement de la gente masculine n’est pas de tout repos, ce qui a bien fait rire la salle comble. Selon ses dires, elle avait besoin de se reconnecter avec sa féminité en travaillant sur un album solo. Accompagnée de ses deux musiciens, la chanteuse native de Granby est un véritable baume sur le cœur. C’est au terme de six chansons qu’on a pu découvrir son univers tout à elle, léger et sensible.
Un immense coup de cœur pour sa pièce Téléphone qui nous transporte véritablement ailleurs grâce à sa musique lancinante et aux paroles douloureuses. On voit que, malgré tout le côté sombre, elle vient apaiser cette lourdeur en utilisant l’humour. Il y a eu ce petit moment tout à fait adorable lors de cette soirée quand elle a entonné La valse de l’insomnie (abordant le manque de sommeil quand on a des enfants à la maison) où, en début de chanson, un bébé dans la salle s’est mis à chigner. Ce qui a bien faire rire l’artiste, avant de s’exclamer en souriant « c’est parfait ! ». Il faudra surveiller de très près cette artiste qui a beaucoup d’amour à offrir et d’histoires à raconter. Visitez sa page Facebook pour la découvrir davantage !
La pirate au cœur d’or
En onze années de carrière, Cœur de Pirate a établi une belle notoriété dans le monde de la musique, mais ça, on le savait déjà ! Cette dernière a saisi l’opportunité des FrancoFolies afin nous en donner plein la vue avec un spectacle exclusif et tout à fait unique. Reconnue pour être une artiste réservée et peu bavarde, nous avons découvert cette fois-ci une femme sortie de sa coquille et plus assumée que jamais, ce qui fait franchement du bien. Tout à fait à l’aise assise devant son piano illuminé, dans un costume blanc sertie de paillettes scintillantes, c’est avec délicatesse qu’elle entremêle les chansons de ses opus. De Pour un infidèle à Golden Baby, en passant par Les amours dévoués et puis Drapeau blanc, c’est avec sensibilité qu’elle se livre à nous libre d’inquiétude de nous perdre dans ses revisites, puisque le public était attentif à ses mots, à sa musique ainsi qu’à sa direction artistique différente de ce que l’on a pu connaître par le passé. Elle a entamé le tout avec Somnambule, titre figurant dans son dernier album En cas de tempête, ce jardin sera fermé.
Cette dernière était magnifiquement accompagnée de son band de toujours, mais également du quatuor esca (Edith, Sarah, Camille, Amélie) qui a apporté une douceur agréable à l’ensemble du concert grâce à leurs instruments à cordes. Ce qui constitue un ajout de taille qui a magnifiquement fait toute la différence. Et même lorsqu’elle joue en solitaire, c’est un succès assuré. Ce fut le cas pour les magnifiques chansons Francis et Combustible. Sur une durée de deux heures, Béatrice nous a offert pas moins de 25 chansons, ce qui n’est pas rien !
© Benoit Rousseau / FrancoFolies
Des invités de marque
Si la pirate au cœur d’or était le centre d’intérêt de cette soirée, elle n’hésite pas à céder sa place par moment pour faire briller d’autres artistes de talent en qui elle voue une amitié sincère. C’est ainsi que sur la pièce Malade, le duo Milk & Bone (Laurence Lafond-Beaulne, Camille Poliquin) est apparu à ses côtés pour une triade des plus énergisantes. C’est par la suite que le duo a pu interpréter la chanson Peaches qui nous a permis de connaître leur style électro/synth-pop et leur voix claire tout à fait sublime.
Mais les surprises ne sont pas terminées, la charmante Safia Nolin a également répondu à l’appel pour l’accompagner dans une version assez touchante de Adieu. Nolin a aussi eu droit à son moment en nous interprétant la énormément touchante Les chemins, guitare à la main. Je suis toujours agréablement surpris par la candeur qu’elle possède. Elle déborde d’une sensibilité sincère et marquante qui fait d’elle une artiste à part des autres.
© Benoit Rousseau / FrancoFolies
Quant à aller dans une revisite, autant y aller à fond. C’est ainsi qu’elle a apporté un côté plutôt folk à Je veux rentrer, St-Laurent, Carte Blanche et Amour d’un soir. C’est là qu’on voit qu’elle est rendue ailleurs dans son cheminement, et où elle est libre de faire ce qu’elle veut et de la manière qu’elle veut. Quand le populaire rappeur Loud est entré sur la scène pour Dans la nuit, la foule était en délire. Même si sa présence était de courte durée, elle n’a visiblement pas passée inaperçue. Elle s’est adressée ensuite au public, sourire en coin, en disant que Comme des enfants serait la dernière chanson de la soirée, mais qu’il allait y avoir un rappel.
Puisqu’elle est incapable de jouer la chanson Mistral gagnant au piano, elle a judicieusement invité la pianiste de renom Alexandra Stréliski afin de l’accompagner. Ce qui a donné pour résultat un moment très attendrissant. Durant le rappel, elle invite les spectateurs à chanter, ou bien marmonner les paroles, avec elle sur Prémonition. La chanteuse a voulu rire, et surtout faire preuve d’un peu d’auto-dérision, du fait que bien des gens ne comprennent pas tout ce qu’elle dit quand elle chante. C’est sur une finale assez enthousiaste sur Ne m’appelle pas, sa toute nouvelle chanson, qu’elle a laissé son public repartir avec d’excellents souvenirs d’une soirée réussie et tout à fait magnifique. Bref, Cœur de Pirate s’est inscrite dans la culture populaire comme étant une femme jouissant d’une belle liberté artistique et d’une grâce innée.
On ne peut pas ne pas l’aimer !
Crédit de la photo de couverture : © Benoit Rousseau / FrancoFolies