Jeudi en fin d’après-midi, au Centre des sciences de Montréal, l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision a dévoilé les nominations pour le 34ième gala des Prix Gémeaux qui se tiendra au Théâtre St-Denis le dimanche 15 septembre prochain. Véronique Cloutier sera au poste d’animatrice pour une sixième fois. Les décisions des 203 jurés étonnent et déroutent mais elles ont le mérite d’être extrêmement représentatives de la riche année télévisuelle québécoise. Pour une fois, les distinctions entre premier rôle et second rôle sont cohérentes, et ça fait du bien de voir les acteurs être nommés dans la bonne catégorie.
Sans grande surprise, le phénomène District 31 mène le bal avec 15 nominations dont meilleur série dramatique quotidienne, meilleur rôle de soutien masculin dans une série dramatique quotidienne pour Michel Charette, Sébastien Delrome et Vincent Leclerc et meilleur premier rôle féminin dans une série dramatique quotidienne pour Hélène Bourgeois-Leclerc et Geneviève Brouillette. La poignante comédie M’entends-tu qui offre un portrait sidérant et si juste de la population défavorisée mais jamais misérabiliste du Québec reçoit, quant à elle, 14 nominations dont meilleurs textes comédie (Florence Longpré, Nicolas Michon et Pascale Renaud-Hébert), meilleure réalisation pour Miryam Bouchard et meilleur rôle de soutien dans une comédie pour Christian Bégin et Guy Jodoin. La quatrième saison des Pays d’en haut se démarque également avec 11 nominations dont meilleur premier rôle masculin dans une série dramatique saisonnière pour Vincent Leclerc.
Au chapitre des bons coups, soulignons les nominations de Sylvie Léonard dans la catégorie du premier rôle féminin dans une comédie pour Lâcher Prise. Particulièrement dans la troisième saison, la comédienne incarnant la savoureuse Madeleine Legault avait un temps d’antenne et une importance aussi grands que le personnage de Valérie campé par Sophie Cadieux, également nommée. La présence de Sophie Lorain dans la catégorie meilleure actrice dans un premier rôle féminin dans une série dramatique saisonnière pour la deuxième saison de Plan B était nécessaire tellement elle y met son âme à nu. Idem pour Mylia Corbeil-Gauvreau dans la catégorie meilleur actrice dans un rôle de soutien féminin pour L’échappée. Elle y campe avec brio une pré-adolescente prise dans une secte de témoins de Jéhovah. Par contre, les absences de Gildor Roy (District 31), Émi Chicoine (Plan B) et Demain des hommes dans des catégories de pointe au détriment de l’inégale La malédiction de Jonathan Plourde font sourciller.
Quoi qu’il en soit, nous avons eu la chance de rencontrer certains des acteurs nommés pour avoir leurs réactions à chaud.
Mélissa Bédard (M’entends-tu?)
M’entends-tu a décroché 14 nominations. Comment reçoit-on une vague d’amour aussi forte ?
Écoute, c’est vraiment incroyable! Cette série-là en est à sa première saison. Les gens ne la connaissaient pas. C’est touchant de voir à quel point elle est appréciée et à quel point les gens étaient prêts à voir une aussi belle réalité au petit écran, une réalité dure mais une belle réalité de gens normaux. On essaie d’être le plus près de nous, on essaie de jouer justement pour que les gens s’attachent aux personnages, puis ça(les nominations) prouve seulement que ça a marché et que les gens apprécient la folie et l’humour de la série autant que la détresse de ces personnages-là.
Qu’est ce que ça te fait que les gens de l’industrie te considèrent dans le milieu après seulement un rôle ?
C’est un beau cadeau, je ne m’attendais pas à pleurer de même! En même temps, on travaille tellement fort et on essaie toujours de faire de notre mieux dans tout ce qu’on fait. Fabiola me ressemble beaucoup. Ça vient comme boucler la vie que j’ai présentement par rapport à la vie que j’avais avant, donc ça me touche vraiment beaucoup.
Que voulais-tu que le public retienne du personnage de Fabiola ?
Que Fabiola est une personne sensible et aimante pour ses amis. Elle est très touchante. Fabiola passe ses messages en chantant, un peu comme moi. Elle va toujours tout donner pour ses amis avant de penser à elle. Je voulais aussi que les gens voient qu’elle a un grand coeur tout simplement puis une belle âme, une vielle âme.
Vincent Leclerc (Les pays d’en haut et District 31)
Tu es en nomination deux fois, une pour Les pays d’en haut et une autre pour District 31 qui est quand même surprenante. Est-ce en raison de l’ampleur du phénomène selon toi?
District 31, c’est une grosse machine qui ramasse tout le monde, puis c’est très bien, mais je me sens à la fois surpris et extrêmement choyé, c’est sûr.
Comment intègre-t-on une aussi grosse machine ?
Rapidement ! Il faut rendre hommage aux gars et aux filles qui tiennent le phare: Michel Charette, Vincent-Guillaume Otis, Gildor Roy, Sébastien Delrome, Hélène Bourgeois-Leclerc... Ils t’accueillent, ils t’aident et t’épaulent rapidement. Ils t’encadrent, donc ce sont eux les vrais héros de ce show-là. Ils accueillent des dizaines et des dizaines d’acteurs par mois, mais ils font une super belle job. Ils ne sont pas juste des bons acteurs de télé , ils sont de bons co-équipiers.
Tu es également nommé pour Les pays d’en haut. Quel bilan fais-tu de ton interprétation après quatre saisons ?
Que j’ai un auteur (Gilles Desjardins) qui, clairement, nous aime et m’aime beaucoup! Il m’a poussé à gauche et à droite, en haut et en bas, et je suis conscient que, après quatre ans, jamais je n’aurai un rôle qui va me demander de ratisser aussi large. On est quasiment dans le conte ici. Les pays d’en haut, ce n’est pas naturaliste comme jeu, donc on peut aller loin dans les affaires. Je chéris ce projet-là et je vais toujours le chérir.
La quatrième saison a été super bien accueillie par le public et la critique. Présentement, vous êtes en tournage de la cinquième et dernière saison, même si certaines rumeurs disent le contraire. Comment se prépare-t-on à ce type de deuil ?
Je ne sais pas en fait. Oui, il y a comme une rumeur qui est sortie il y a deux semaines comme quoi ce n’est peut-être pas la dernière saison, donc je ne sais pas trop quoi en penser honnêtement. Comme je disais tout à l’heure, si c’est la dernière année, ça sera la dernière année et je serai à l’aise avec ça. Je ne veux pas que ce show-là s’essouffle. Je veux qu’on parte fort parce qu’il mérite mieux qu’une perte de cotes d’écoute et que, finalement, on n’ait plus rien à dire.
Que voulais-tu que le public retienne de Séraphin lors de la quatrième saison ?
Bonne question, ça! Il faut que je me replonge dans la saison 4! J’ai beaucoup aimé les premiers épisodes. Il y a deux aspects qui m’ont vraiment plu cette année: la brisure qui le tourne à l’alcool et la dépression totale. C’était le fun à explorer. Le côté un peu plus dévot était aussi une belle track à explorer. Je ne sais pas ce que je voulais que les gens retiennent. En fait, je ne pense jamais à ça comme ça. C’est une scène à la fois et on essaie de tracer des grandes lignes.
Comment fais-tu pour ne pas juger ton personnage quand il vit des épreuves sombres ou prend des décisions immorales ?
Moi, plus c’est dark et manipulateur, plus j’aime ça! J’ai beaucoup joué des rôles de fuckés, de psychopathes et de violeurs dans des projets anglophones. Ça m’a comme préparé au bonhomme!
Quand tu as remporté un gémeaux pour Séraphin après la première saison, tu avais dit aux gens de l’industrie dans ton discours de remerciement de donner la chance aux autodidactes et aux acteurs qualifiés méconnus. Quel constat fais-tu de ce souhait quelques années plus tard?
Qu’on en voit un peu plus. Je suis content quand je vois des gens comme Mélissa Bédard qu’on n’avait pas vu avant à l’écran, que des chances soient données et que ces gens-là shine. Ça me fait plaisir mais, en même temps, j’ai quatre projets cette année. Je suis devenu le gars que je voyais à la télé il y a cinq ans alors que je me disais que criss que l’industrie n’a pas d’imagination!
Comme gères-tu ce changement-là justement?
Je gère ça en essayant de ne rien prendre pour acquis, de me préparer le mieux possible et d’essayer de différencier mes rôles le plus possible. Je vois ça comme des opportunités pour essayer de montrer la palette la plus large possible.
Sophie Desmarais et Patrice Godin (District 31)
Vous êtes en nomination tous les deux pour District 31. Vos personnages de Charlène Baribeau et Yannick Dubeau ont énormément marqué. Comment avez-vous travaillé la chimie entre vos personnages ?
Sophie : Moi, soit que je tournais toute seule ou soit avec Patrice. On était tellement ensemble là-dedans!
Patrice : Je pense qu’on s’est tenu, et que la complicité naturelle, l’appréciation naturelle étaient là, à moins qu’elle n’aime pas ça travailler avec moi! On ne savait pas ce qu’on allait jouer d’une semaine à l’autre, alors on se laissait porter par ça. On avait chacun nos idées, mais les idées se combinaient bien je pense. Des fois, ça se confrontait, mais c’était normal puisque nos personnages étaient en confrontations alors ça a joué en notre faveur.
Vos personnages ont commis des gestes immoraux. Comment faites-vous pour ne pas les juger?
Sophie : Il y a une chose qui est particulière avec un projet comme District 31, c’est que, comme c’est écrit au fur et à mesure, nous, on ne sait pas ce qu’on va devoir tourner dans trois semaines , donc c’est vraiment dur de juger. C’est plus facile de juger quand tu lis tout au complet, mais là, on se laisse porter par ce qui est là, on essaie d’amener des nuances là-dedans et de se surprendre aussi. Patrice et moi, on était vraiment comme dans un match de tennis. C’est cette joute qui était trippante!
Patrice : Exactement! En fait, Yannick, je venais presque à le défendre! Je ne le jugeais pas. Des fois, j’avais des discussions et je le défendais même si c’est un être abject dans l’ensemble de l’oeuvre. Je voyais sa blessure et je m’accrochais à ça parce que ça restait pour moi un excellent sergent détective. C’est quelqu’un qui était excellent dans son métier mais qui était complètement pété dans sa vie et qui s’est fait embarquer dans une affaire flyée, et il a complètement perdu le contrôle. Donc, oui, il reste un être abject, on s’entend, mais j’avais besoin de le défendre. Je l’aime, Yannick! On ne sait pas ce que nous réserve la série, mais ça va me faire de la peine de plus être dans ses souliers. En même temps, ça fait partie des êtres abjects de disparaître…
Comment gérez-vous au quotidien le profond attachement du public qui ne fait pas toujours la différence entre vous et votre rôle?
Sophie : Les gens étaient très gentils à mon égard. De mon côté, les gens étaient surpris de me voir en liberté, donc j’avais de belles discussions avec eux. Tout le monde était très généreux. C’était nouveau pour moi parce que c’était la première fois que je faisais une quotidienne, fait que c’est un rapport qui est différent à l’écoute.
Patrice : Écoute, c’est sûr que les gens détestaient Yannick mais, en même temps, ils le détestaient au point de l’aimer, ce qui est un peu étrange. J’ai débarqué assez vite des réseaux sociaux. J’ai arrêté d’aller voir sur la page de l’émission. Sur mes comptes sociaux personnels, j’avais des beaux commentaires. Les gens disaient qu’ils haïssaient Yannick, mais qu’ils espéraient qu’il reste!
J’ai sorti un livre en septembre (Sauvage, baby), et cette sortie a coïncidé avec le moment où on a su que c’était Yannick qui avait Charlène dans son sous-sol. J’ai fait plusieurs salons du livre, j’ai rencontré énormément de gens. Les gens sont venus me voir en grand nombre ; ils étaient très gentils et je n’ai pas eu d’affaires plates. Ils faisaient tous les mêmes jokes , mais ça c’est correct. Il n’y a rien eu de déplacé. C’est juste sur les réseaux sociaux que, des fois, ça devient ambigüe parce que on peut se cacher derrière une face de chat et dire n’importe quoi, mais, ceci dit, j’ai ressenti étrangement plein d’amour venant des gens par rapport à ce rôle-là et à cette série-là en général qui est un phénomène. Les gens se sont attachés aux personnages qui sont là tout le temps, ils s’attachent aussi à ceux qui sont venus faire un tour et qui ont disparu ou qui vont disparaître…Enfin, je dis ça, mais je sais pas si je vais disparaître! 😉
C’est un rendez-vous le 15 septembre!
Crédits Photos : Courtoisie