Kukum - TNM 2024

Kukum – Un hommage vibrant aux Innus

Kukum transforme les planches du TNM en véritable fresque vivante. Adaptation du livre à succès de Michel Jean, la pièce retrace le parcours singulier de l’arrière-grand-mère de l’auteur. Une façon d’honorer sa mémoire tout en célébrant la première nation qui l’a accueillie.

Sur scène, Almanda et Thomas ont un véritable coup de foudre. L’orpheline et le jeune innu n’ont pourtant rien en commun. Ils ne parlent ni la même langue ni partage la même culture. Leurs sentiments vont néanmoins transcender leurs différences.

Kukum revient sur la fascinante vie d’une jeune canadienne-française qui a défié les conventions de son époque. Au début du 20e siècle, épouser un « Indien » était tout, sauf ordinaire. La pièce plonge dans le récit de cette figure féministe inspirante, grâce à une mosaïque de souvenirs.

UN SUBLIME ÉCRIN VISUEL

La mise en scène d’Émilie Monnet fragmente l’espace en tableaux chatoyants qui épousent le cycle des saisons. On assiste tour à tour à une nuit de noces estivale, puis à une partie de chasse hivernale au caribou. Des jeux de lumières et d’effets sonores propices à la contemplation et à un retour à la terre. La nature est d’ailleurs omniprésente, nous enveloppant de son aura bienveillante.

Et entre chaque acte, un écran géant projette de courtes séquences vidéo qui illustrent des scènes du quotidien. Elles nous familiarisent avec des traditions innues qui nous sont étrangères.

Kukum - TNM 2024
© Yves Renaud

Dans un paysage culturel où la diversité peine encore à exister, mettre le peuple Innu au cœur d’un spectacle participe à sa reconnaissance, pleine et entière. On les rencontre notamment par la beauté de leur langue. Le montagnais résonne tout au long de la pièce, soulignant au passage l’importance de la transmission orale.

C’est sans compter la distribution dont les membres sont presque exclusivement originaires de cette nation. Ce choix en renforce le symbolisme, les comédiens devenant les fiers représentants de leur culture. Étienne Thibeault (Thomas) embrasse avec justesse les nuances de son personnage. Il gagne progressivement en maturité, passant de jeune amant fougueux à chef de famille. Jean Luc Kanapé (Malek) incarne la force tranquille du patriarche. Sa stature en impose, même dans les silences. Quant à Sharon Fontaine Ishpatao (Christine), elle respire la bienveillance en belle-sœur.

Léa Labrèche-Dor ne manque ni de sincérité ni de conviction, même si son Almanda peine parfois à trouver sa voix. Cela reste néanmoins un défi d’interpréter une jeune ingénue de quinze ans, puis une nonagénaire avec la même vigueur.

Kukum - TNM 2024
© Yves Renaud

À l’heure des efforts de réconciliation, Kukum est une pièce essentielle dans le répertoire québécois. Il était temps d’offrir une vitrine de premier plan aux Innus, nation encore méconnue du grand public. De transmettre sa sagesse ancestrale via une fable humaniste qui emprunte la voie de la résilience, au-delà des traumatismes.

Cette dimension engagée nous rappelle que les combats d’hier sont malheureusement encore ceux d’aujourd’hui pour préserver son identité et vivre en harmonie avec son environnement.